Antoine, interprété par Denis Ménochet, s'est installé en Espagne avec sa femme, Olga, interprétée par Marina Fois, pour vivre une vie paisible d'agriculteur après avoir mené une vie plus confortable faite de voyages. Tout ne se passe pas comme prévu car le couple est vite victime de xénophobie venant de certains villageois, exacerbée par leur refus d'approuver un projet d'éolienne qui raserait le village et compenserait financièrement les familles concernées. Deux frères en particulier, Xan et Lorenzo, qui habitent le village depuis une quarantaine d'années, persécutent les nouveaux arrivants.
Le film se divise en deux parties. La première présente intelligemment le contexte et les enjeux ci-dessus et se caractérise par une montée maitrisée de la tension. Les menaces dont sont victimes le couple se font de plus en plus pressantes et anxiogènes, au point que certaines scènes deviennent irrespirables aussi bien pour le spectateur que pour les protagonistes. On pense notamment celle de nuit, un retour de sépulture, lors de laquelle Xan et Lorenzo font barrage à la voiture des français avant de les fixer silencieusement à travers leurs vitres et de taper machinalement sur celles-ci tant qu'elles ne s'ouvriront pas. Les questions posées par les enjeux du récit sont complexes et ne détiennent aucune vérité facile ce qui sert l'intérêt du récit. D'un côté, des agriculteurs peu éduqués coincés dans ce village et leur solitude depuis plusieurs décennies qui se voient offrir une chance de découvrir une nouvelle vie. De l'autre, deux français éduqués qui ont bien vécu et qui ont tout abandonné pour venir vivre leur rêve le plus cher. Qui privilégier dans ce cas-là ? En plus de la tension formelle qui habite le récit, cette tension scénaristique retient le spectateur qui ne sait pas de quel côté il basculera. L'apogée de cette tension se trouve dans la scène lors de laquelle Antoine réussit enfin à discuter avec Xan et Lorenzo, au bar du village. Ce long plan fixe dans lequel tout le film se joue est magnifique et permet d'entrevoir tous les embranchements possibles du récit, sans savoir lequel sera privilégié, avant que tout n'éclate et que la tension plus bestiale du film reprenne le dessus.
La deuxième partie, en comparaison, perd en subtilité. L'introduction de la caméra vidéo d'Antoine, désormais au centre de ce second acte, apparait rétrospectivement peu subtil. Surtout, le personnage de Marina Foïs, Olga, est victime d'un traitement scénaristique maladroit. L'ellipse entre les deux parties ne permet pas de montrer la transformation psychologique d'Olga, elle est alors transformée physiquement pour faciliter la transmission du message au spectateur. La Olga solaire du 1er acte a complètement disparu et a désormais un visage figé et une coupe au bol des plus froides. De même, la relation mère-fille qui rythme cette seconde partie est très bancale. On pense notamment au plan séquence interminable lors duquel les deux femmes se livrent à un jeu des quatre vérités dispensable. La performance de Marie Colomb n'est pas totalement juste, ce qui amplifie l'impression de fausse note de toute cete scène.
Il est difficile de comprendre quelles étaient les intentions de cette deuxième partie qui vient atténuer l'impact qu'avait eu la première sur le spectateur, d'autant qu'elle laisse une fin ouverte qui peut paraitre frustrante. L'ensemble reste toutefois très bon, et plusieurs scènes, dont la scène centrale qui sépare les deux parties, marqueront de nombreux spectateurs.