Qu'il fait du bien ce cinéma !
Un film tout en tensions, en reliefs. Reliefs des langues, des corps, de la terre. Terre (la Galice) qui n'est pas un simple décor, elle est le film tout autant que l'histoire que l'on va suivre. Celle d'un conflit entre voisins, autochtones et néo-ruraux, symboles magnifiquement incarnés de deux conceptions du monde qui se croisent au carrefour d'un petit village de montagne quasi déserté mais non épargné par l'ombre de la mondialisation. L'exacerbation des désirs et des frustrations personnelles renvoient aux problématiques écologiques, économiques, d'identité (ou d'appartenance) de notre société, sans jamais sombrer dans le discours ou le misérabilisme.
Le jeu des limites peut commencer, jusqu'à quel point on bascule dans l'irrémédiable, créant les lignes de violence que le film va tisser et resserrer avec intelligence jusqu'à rendre palpable le danger dans chaque plan, derrière chaque arbre, chaque pierre.
On ne peut s’empêcher de penser aux Chiens de paille de Sam Peckinpah comme lointain parent mais As bestas s'en détache pourtant, notamment dans sa seconde partie, salvatrice, qui va mettre en avant le personnage joué par Marina Foïs (superbe) mettant en valeur de nouveaux agencements entre les choses, la terre, les autres (famille, amis, ennemis), les morts, les bêtes. Il est bon également de noter l'importance de celles-ci dans le film, notamment le chien, n'appartenant au fond à personne, refusant son rôle de gardien, courant des uns, des unes aux autres.
En dépit de deux petits bé mols : le ralenti pour la scène d'ouverture, effet esthétique non nécessaire que l'on ne retrouvera jamais et l'écriture du rôle de la fille, trop souvent dans l'affrontement, As bestas s'impose par une réalisation impeccable entre plans fixes et plans séquences aucunement tape à l'oeil et une photographie où corps et paysages donnent une sensation de beauté et de rudesse qui participent à la mise en tension bouleversante déployée à l'écran.