Attenberg c'est l'exemple même du film qui a traîné sur mon disque dur pendant un an et demi et auquel j'aurais du m'intéresser bien plus tôt. Au début on est un peu perplexe, on pense à Canine - il y a un sens du burlesque froid très similaire, une façon de filmer l'absurdité avec un détachement particulier (d'ailleurs, ne pourrait-on pas commencer à parler d'un nouveau courant dans le cinéma grec?), et puis rapidement on se prend au jeu - à cet éveil étrange et déroutant de cette vierge de 23 ans un peu gauche et autiste aux autres, à la sexualité, à la vie. Où s'y entremêlent répulsion et fascination, joie et mélancolie, vie et mort. C'est dénué de cynisme tout en émettant discrètement une critique de notre temps - comme le souligne en une phrase le personnage du père, dans sa non-nostalgie d'un XXème siècle maladif.

Ariane Labed est fantastique: véritable révélation, elle dégage un charme et une présence inédite et animale (et la femme étant trilingue, on ne peut que lui souhaiter une grande carrière). A l'image des documentaires de Peter Attenborough qu'elle regarde sans cesse. Le film est aussi doux qu'il est dur. Dans son propos comme dans son résultat final. Métaphore de cette cité côtière et industrielle triste et blanche. C'est un film exigent sans l'être, joyeusement mélancolique, et il faut juste accepter d'y rentrer, et de se laisser porter par les évènements - aussi irrationnels soient-ils (quid de ces entractes chorégraphiées par les deux amies aux robes jumelles?). Pourquoi chercher un sens là où la vie même en reste dénuée? C'est là toute la force d'Attenberg. Le presque-suicide d'une société. Entre deux chansons de Françoise Hardy et un premier baiser.
oswaldwittower
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le 26 avr. 2013

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oswaldwittower

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