Une plongée dans l'adolescence
Léonardo, 15 ans (il les fait difficilement) est aveugle de naissance et traîne avec sa meilleure amie jusqu'au jour où Gabriel, nouvel arrivant dans sa classe va bouleverser leur amitié.
Bouleverser est assez exagéré. Les élans émotionnels ne valent guère plus qu'une légère amourette adolescente. Mais il faut savoir trancher et ne pas succomber au maniérisme de la critique pédante. Pour ne citer qu'eux par exemple, Mathieu Macheret au Monde: "Sensible, le film n'instrumentalise jamais ses personnages au profit d'une démonstration, (...). Dommage que sa mise en scène manque de caractère." ou pire, Clément Graminiès pour Critikat: "Un tel scénario aurait pu nous faire vivre un véritable tremblement de terre émotionnel : il n’en reste malheureusement qu’une petite bluette sentimentale qui, si elle n’est jamais déplaisante, reste terriblement inoffensive."
Il faut donc s'abandonner dans une adolescence particulière, que personnellement j'ai vécu, non je ne suis pas aveugle, mais gay à 15 ans, isolé, non par les sens mais géographiquement, accompagné d'une acolyte meilleure amie avec qui j'avais l'habitude des 400 coups imaginaires et non malheureusement des baignades lascives et quelques débats peu profonds. Je ne juge pas, mais à ce niveau de l'écriture, je rejoins la critique du Monde. S'abandonner est chose facile tant les personnages sont attachants et la photographie terne (au sens contraire de saturée et vive, attention à ne pas confondre avec incipide!) et familière. Et le récit nous transporte dans notre propre passé. D'une simplicité étonnante et malgré deux dialogues auxquels on ne croit pas une seule seconde (dans les toilettes chez Katrina, où Giovanna essaie d'embrasser Gabriel / la déclaration finale de Gabriel à Léo), ces instants adolescents sont loin de paraître superficiels, très loin au-delà!
Peut-être que la mise en scène manque de caractère, mais au moins on remarque une réelle volonté sensorielle de reconstitution avec de très jolis moments de cinéma qu'on n'a pas l'habitude de voir et ça il ne faut pas le dénigrer!
Petit à petit, le récit s'effeuille autour d'un trio (on est loin du Jules et Jim de Truffaut et peut-être plus concret que les fuites et rires marqués de Moreau, Werner et Serre) pour ne restituer que l'admirable et troublante attirance de deux personnes. Certes, c'est un peu déjà vu, mais lorsque c'est aussi bien traité, je ne m'en lasse pas.