D'un commentaire effectué par un de mes éclaireurs sur ma critique écrite hier de "la Mort aux trousses" qui apportait quelques éclaircissements sur le choix de Cary Grant par Hitchcock, il ressortait qu'il avait attendu que James Stewart soit engagé dans le rôle principal de "Autopsie d'un meurtre" de Preminger pour lancer la production de "la mort aux trousses" que James Stewart guignait. Le commentaire tombait pile poil car j'avais l'intention de regarder ce soir "Autopsie d'un meurtre". La coïncidence était amusante.
A la base, l'histoire est assez simple : un officier de l'armée est emprisonné pour avoir tué un patron de bistrot qui a violé son épouse. L'épouse s'adresse à une paire d'avocats qui ont eu leur heure de gloire mais n'ont plus beaucoup d'activité pour défendre son mari. Le film relate longuement la préparation, la stratégie de défense et le procès.
160 minutes qu'on ne voit pas passer car, si le public et le spectateur sont totalement acquis à la cause du couple, il en va tout autrement de l'aspect juridique et de la conduite du procès ; en effet, le viol et le meurtre n'étant pas simultanés, on ne peut plaider la légitime défense et le mari peut être lourdement condamné pour homicide.
Mais on s'aperçoit vite que l'histoire du couple n'est rien car tout se joue entre l'accusation et la défense en des joutes verbales lors de l'audition des témoins. Chaque partie défend férocement ses positions et l'enjeu du procès n'est plus qu'un enjeu entre avocat général et avocat où tous les coups sont permis sous l'arbitrage très serré du président du tribunal. Autrement dit, celui qui parvient à placer un fait ignoré de la partie adverse qui ne peut y répondre, fait basculer le procès à son avantage. D'où l'importance de la stratégie d'accusation ou de défense. On comprend que l'enjeu de ce type de procès n'est pas forcément la vérité.
Un des point forts du film, c'est sans aucun doute le casting.
D'abord James Stewart, immense ici, en ancien avocat général, jadis de talent, qui se retrouve à cachetonner avec quelques petites affaires qui ne rapportent pas grand chose et qui passe son temps à la pêche. Cette affaire le remet en selle avec le challenge personnel de réussir à défendre un accusé. Dans ce rôle, il est complètement dans son élément : il prend fait et cause, il s'enflamme dans le prétoire, son oeil flamboie quand on ose attaquer ceux qu'il est chargé de défendre, il aboie et il mord (ce dernier verbe au figuré ...).
L'accusé c'est Ben Gazzara, l'officier fier de son uniforme, profondément blessé dans son amour-propre suite au viol de sa compagne : en définitive, peut-être pas si sympathique que ça. Je dirais même que sa morgue dans les premiers contacts est plutôt antipathique. Son jeu est parfait comme il le sera souvent dans ses nombreux second rôles.
L'épouse, c'est Lee Remick. Elle joue très bien son rôle de femme bafouée mais aussi de femme un peu naïve mais très sensuelle qui joue sa petite carte d'indépendance.
L'avocat général se fait aider d'un ténor du barreau new-yorkais joué par un admirable Georges C Scott dans un rôle affreux de pitbull.
On prend un sacré plaisir dans sa chute sur le fil et de sa déconvenue qu'il a du mal à cacher.
Un autre point fort du film est la musique jazzy qui baigne le film dont James Stewart est un grand fan puisqu'il se met régulièrement au piano pour retrouver son calme. La musique est de Duke Ellington qu'on entrevoit brièvement jouer à quatre mains avec James Stewart.
Et pour finir, la mise en scène est très réussie notamment dans les scènes au tribunal où Preminger utilise savamment toute la profondeur de la salle pour continuer à observer certains acteurs en arrière plan alors que l'action (la joute) se déroule au premier plan.
Un grand film de Preminger