Dans cette critique, les spoilers seront censurés autant que faire se peut. Cela dit si j'étais vous et que je n'avais pas vu le film je n'irais même pas lire de critiques. Mais vous faites ce que vous voulez, je ne suis pas votre mère après tout, c'est à vos risques et périls.
Depuis six ans, Avengers : Infinity War fait jubiler les fans du MCU à travers le monde. Je ne suis en rien une exception, et mes attentes quant à ce nouvel opus n’avaient d’égales que mes craintes. J’avais peur que ce troisième volet ne soit pas à la hauteur de ses aînés (que j’apprécie beaucoup), peur de la façon dont les frères Russo allaient gérer cette foule de personnages, peur de l’humour qu’on annonçait abondant, peur même que le film soit oubliable, même si cette option apparaissait comme la moins probable. En somme, je redoutais qu’Infinity War ne soit pas digne, d’une part de ce qu’on disait sur lui, et d’autre part de ce que je voulais qu’il soit.
Il n’y eut pas de déception.
Un volet hyperbolique
La première difficulté que les frères Russo rencontrent en se lançant dans Infinity War réside bien sûr dans le traitement des personnages. Imaginez que vous ayez un univers entier composé de dizaines de personnages à votre disposition, et que vous deviez faire un film de 2h30 avec ça. Evidemment vous seriez aux anges, je le serais aussi, mais les réalisateurs ont certaines responsabilités. Plusieurs choix s’offraient alors à eux. Délaisser l’intrigue pour faire un film entier sur ce gigantesque meeting ? Ou négliger les personnages, sans leur apporter aucune évolution tant individuellement que dans leurs relations, pour se concentrer sur un scénario plus développé ? Et pourquoi pas offrir un équilibre, et sortir victorieux de ce dilemme ?
Car oui, c’est une réussite, non pas totale, mais une réussite quand même. La situation dans laquelle les Russo se trouvaient impliquait des sacrifices. Ainsi, certains personnages sont relégués au second plan, à l’instar des relations entre les protagonistes qui ne sont pas toujours approfondies faute de temps. Le scénario n’a rien de génial ni de complexe en lui-même, bien qu’il reste suffisamment intéressant pour nous captiver pendant plus de deux heures. Mais ces faiblesses sont pardonnables car absolument naturelles. On suit certains personnages centraux, la foule de protagonistes évolue par groupes à tel point qu’on pourrait presque qualifier ce nouvel Avengers de film choral.
Un personnage central de choix
Tous ont un point commun pourtant, et cette ressemblance tient en un mot et est sans doute l’une des plus grandes qualités du film. Thanos, AKA meilleur antagoniste de la saga, AKA personnage principal d’Infinity War, AKA nous l’avons attendu, nous l’avons eu, et il ne nous a pas déçus. En effet, c’est bien ce Titan que nous suivons du début à la fin du métrage, et que nous observons avec impuissance dévaster un univers qui nous tient tant à cœur. Ses motivations, en plus d’être légitimes et approfondies, renvoient à des problèmes mondiaux actuels. Le personnage évolue d’une manière surprenante et remarquable, il est pour moi l’excellente surprise de cet opus. De plus, Thanos a une prestance, une noblesse qui force respect et crainte, et qui transpire de l’écran pour nous toucher, nous.
Échec et mat
Le film atteint le spectateur qui apprécie un tant soit peu le MCU. L’explication de ce sentiment remonte à dix ans en arrière, lorsque le studio sort le premier film de sa longue saga. Depuis, le MCU empile les briques en un édifice solide qui séduit le grand public et occasionnellement les cinéphiles. Prendre un peu de recul sur cet univers vieux d’une décennie, c’est constater qu’au final, tous les chemins semblent mener à Infinity War. Je dis bien « semblent », car je ne sais trop à quoi ressemblera l’univers Marvel après Avengers 4. Les faits sont que, depuis 10 ans, nous connaissons et apprécions ces personnages, sentiment que la saga force par son âge et son habile mosaïque de métrages et d’univers. Aujourd’hui, avec Infinity War, tout est remis en question. On nous énonce clairement que personne n’est en sécurité et que plus aucune certitude n’a de valeur, sauf la suivante : il n’y a plus de certitude.
C’est ce qui rend le film si fascinant. L’affection qu’on éprouve pour les personnages qui sont mis en scène et les émotions qui en découlent sont une force indéniable du film. Son autre moteur, la particularité qui fait d’Avengers 3 une œuvre différente des films du MCU, mais plus largement différente des films de super-héros en général, c’est son esprit et sa chute.
Ceux qui l’ont vu le savent, la conclusion d’Infinity War est ce qu’on peut appeler un choc. Un véritable choc comme on n’a pas l’habitude d’en subir dans les films de super-héros, et encore moins dans le MCU. Ce bouleversement est retentissant. Il fait d’Infinity War le meilleur film du MCU, objectivement. Pourtant, j’ai des réserves. Je considère Avengers 3 comme inséparable de sa suite, puisqu’ils sont très étroitement liés. Ainsi, pour moi la valeur des choix faits dans Infinity War résulte de ceux faits d’Avengers 4, dans la mesure où, si les risques pris sont lâchement effacés dans le prochain volet, ils ne sont pas dignes d’être vus comme une quelconque marque de supériorité.
Il est encore possible de traiter cet épisode comme un film indépendant, mais il est tellement enraciné dans la saga qu’il en est pour moi inextricable. Je demande que les Russo assument leurs décisions dans les prochains films. Et par « assument », je n’exige pas que tous les défunts restent morts, car je sais malgré ma grande naïveté que cette alternative est inenvisageable. J’aimerais simplement que le tout soit habilement présenté, que la duperie dont nous sommes déjà conscients soit parfaite. Je souhaite être transportée et bluffée au point d’oublier que j’ai été bernée.
Une chose qu’on ne pourra ôter à cet opus, c’est l’esprit que son dénouement implique en amont. Le climat de destruction, de terreur et de chaos qui règne dans Infinity War est inédit dans le MCU. En grande partie portée par la présence de Thanos, cette atmosphère fait d’Avengers 3 un film à part, plus sombre et plus pessimiste, là où les films Marvel rayonnent d’un optimisme éclatant depuis 10 ans. L’humour ne vient en aucun cas salir cette ambiance, il a un rôle spécifique qu’il remplit efficacement à savoir offrir des courts moments de répit au spectateur. Les blagues ne sont pas toujours hilarantes, mais pourtant elles sont bienvenues au milieu de ces combats acharnés et continus que livrent nos héros. Infinity War reste un film obscur traduisant la déchéance d’un univers et de ses personnages, et il retourne le MCU en l’espace de 2h30 pour n’en laisser que des ruines à la suite de son admirable conclusion.
Un nouvel espoir
Infinity War, c’est l’étincelle rayonnante qui est peut-être capable de raviver le MCU. Il ne tient qu’aux frères Russo de conserver l’audace dont ils ont fait preuve pour cet opus. Ils semblent avoir compris et accepté les critiques faites aux derniers films de la saga, et y ont trouvé des solutions pour nous livrer un métrage qui ne peut que nous épater. Continuer à nous faire rêver, à nous surprendre, à innover, c’est assurer au MCU un avenir dans le cœur de ses fans, c’est permettre à la saga de triompher à nouveau et peut-être, pourquoi pas, de convaincre à l’unanimité.