Lorsque les Avengers se font violet (jeu de mots pourri et gratuit)

Avant toute chose, il est utile de préciser que cette critique n’est que le reflet d’un point de vue subjectif, de la part d’un novice des comics de base (dont exit le "oui mais dans le comics, c’était différent..."), qui ne prend pas parti dans la "guerre" MARVEL/DC, et pour qui les théories hallucinantes circulant sur internet sur tel ou tel personnage, telle ou telle intrigue future ne dit rien du tout (la surprise, c’est important !). Et évidemment, ça va spoiler jusqu’à plus soif, vous voilà prévenus, le conseil aussi, c’est important, on a pas été élevé chez les porcs, bordel !


Donc, Avengers - Infinity Wars est officiellement (pour l’instant), le point culminant de l’univers cinématographique MARVEL, instauré il y a déjà dix ans avec Iron Man, la suite et le prestige planétaire au box office, tout le monde la connaît...
Lorsque que l’on parle de "point culminant", c’est en quelque sorte une consécration, comme une portée, une idée, qui atteint son paroxysme et qui repousse un peu les limites déjà atteintes précédemment.
Donc, peut on parler de ce film comme l’atteinte de ce point culminant ?


Dans l’ensemble, oui.
Ce film dépasse quelques limites. Limites instaurées par Avengers, premier du nom, sorti en 2012, qui était déjà une révolution à l’époque (6 super-héros sur grand écran, c’était le bout du monde si si !). Limites gardées avec une certaine timidité pour le deuxième volet des vengeurs, et aussi pour Captain America - Civil War. A cette époque, l’univers étendu est sur de bonnes bases, solide, mais encore très réservé, MARVEL essaie de nouvelles choses, démystifie ses héros (Thor Ragnarok), propose de bonnes surprises à contre courant (Doctor Strange) et des productions complètement dispensables (Ant-Man) mais garde certaines limites à ne pas franchir, bascule un peu dans la routine et ne propose rien d'impressionnant.


Avengers - Infinity War explose ces limites, comme par exemple la limite du ton du film, ce qu'il veut dire et comment il le dit.
La sauce MARVEL habituelle que tout le monde connaît, c’est une sauce douce, sous fond humoristique et bon-enfant, où seuls les faire-valoir sont confrontés à la mort, Odin, Quicksilver, l’agent Coulson...
Le troisième volet des Avengers n’épargne personne, et ce à partir de la cinquième minute, les héros habituellement optimistes se sentent dépassés, pris au dépourvu, par un ennemi qui en impose.


Ce qui n’empêche pas de garder certaines touches d’humour comme les précédent films, mais celles ci, loin d’alléger le ton, ne le rend au contraire qu’encore plus lourd, et ces scènes décomplexées, elles n’empêchent pas la fatalité, elles la renforcent.
La rigolade est tout de même différente des précédents films, là où l’humour se voulait lourd, rébarbatif, et même parfois malvenu, ici, il devient plus spontané, tellement loufoque qu’il en est affreusement imprévisible (le Groot en seconde langue, les biceps de Thor contre le gras de StarLord, tu mourras, oui, mais que si je meurs, pourquoi Gamora !?) et bienvenu au final, car bien dosé.
Là où un Thor Ragnarok tournait chaque scène en dérision, s’auto-parodiait, en minimisant l’impact émotionnel de scènes qui pourtant, avaient un impact émotionnel (la mort d’Odin par exemple) avec de l’humour à gogo, Avengers - Infinity War ne nous fait pas oublier que derrière les pitreries de Drax, il y a une menace qui plane sur nos héros, inévitable et ce coup ci, réellement importante, et l’exemple parfait en est la fin (dont je parlerais plus bas).
Ce dosage est-il le fruit de la réalisation des frères Russo ? Qui imposent une vision plus aboutie que celles de Whedon, Waititi et compagnie ? Peut être, ou peut-être simplement que MARVEL a fait un pas en avant et a appris de ses erreurs, justement pour éviter la routine, et ça fait du bien.


Le bond en avant ne se ressent pas seulement sur les personnages, leur humour et comment aborder leur destin, il y a d’autres aspects.
Déjà une construction narrative pas mal fichue, fluide, et cohérente (dans sa propre logique bien sûr) afin d’instaurer des rencontres et alliances entre la vingtaine de personnages présents (prends ça dans ta tronche, Justice League !). Ce qui fait du bien, car certains personnages inattendus prennent une place plus importante sur d’autres personnages que l’on voyait avoir le monopole de la parole dans les autres films (par exemple un Captain America en retrait, face à Vision ou Wanda qui s’imposent plus) et dans l’ensemble, personne n’est trop lésé et/ou anecdotique.


Les frères Russo, s’ils n’ont pas encore de touche ou de patte unique, et s’ils ne sont pas virtuoses, se démarquent tout de même avec un sens du rythme assez maîtrisé, en ne confondant pas rythme et rapidité (on avait déjà vu ça dans Civil War, mais sur cet opus, cette qualité se ressent plus) et en livrant 2 heures et 30 minutes sans ennui, et cela reste tout de même à saluer dans le paysage des blockbusters américains où certaines productions de ce genre n'ont qu'à excéder deux heures pour être profondément ennuyeuses et non maîtrisées au niveau du rythme.


Une autre qualité du film, c’est celle de ne pas éviter le too much (où les autres films restaient plutôt dans la même lignée dans l'aspect visuel) tout en ne basculant pas dans la caricature de lui même (comme le font les productions de la Distinguée Concurrence), car c’est une chose que j’attendais dans cet univers que j’ai décris comme timide plus haut. Tout est démesuré, on bascule d’un pays à l’autre, d’une galaxie à l’autre, on voyage, et malgré certains effets visuels un tantinet fluorescents s'éloignant du réalisme des premiers films (n'est pas Cameron qui veut), le côté humain de l’oeuvre arrive à ne pas faire basculer le film dans une bouillie multicolore intersidérale et l’ensemble reste digeste.


Avengers - Infinity War bénéficie d’un méchant un peu plus travaillé que les autres productions MARVEL, interprété par un Josh Brolin correct, dans ses motivations comme ses actions. Motivations solides, celles d’anéantir la moitié de l’univers afin que l’autre moitié puisse jouir des ressources sans contraintes. Mine de rien, selon un certain point de vue, son objectif est justifié, et le fait que Thanos croit en cet objectif, croit faire le bien à travers sa folie génocidaire, lui donne une dimension plus profonde que simple méchant, lui donne une force supplémentaire. Quant à ses actions, celles ci ne sont pas minimisées, car Thanos gagne contre les Avengers, commet son génocide universel, et se repose serein, en contemplant le ciel.
Ce degré d’importance du méchant (qui occupe le centre de l’affiche du film, entouré par les héros normalement les personnages principaux), le long métrage se clôturant brusquement sur son sourire satisfait et sa victoire, sont une prise de risque bienvenue de la part de MARVEL, qui suivait une narration classique à chacune de ses productions, à savoir la quête du héros généralement récompensée par la défaite de son opposant.


Les acteurs sont en bonne forme, s’y donnent à cœur joie, respectent leur rôle et c’est déjà pas mal, là où dans ce type de production à gros budget fédérant un public massif, la plupart des comédiens ont ce que j’appelle le "syndrome Star Wars VII", c’est à dire le fait de venir faire acte de présence (comme Harrisson Ford et Carrie Fisher dans le film cité ci dessus), pour un cachet mirobolant, sans respecter l’authenticité du personnage interprété, quitte à réciter son texte comme toi, ta poésie à la main devant toute la classe de quatrième.


Un aspect du cinéma que le grand public a tendance à oublier, c’est que tout film, du plus gros nanar au chef l’oeuvre ultime, du film indépendant sans prétention financière au blockbuster à gros budget, tout film veut dire quelque chose, tout film a une vision du monde, un message, en retrait ou mis en avant, mal retranscrit ou bien retranscrit.
Et Avengers - Infinity War, eh bien, il a tout de même un message intéressant, celui du problème de la surpopulation, plutôt au second plan derrière le grand divertissement populaire bien sûr (à contrario de Soleil Vert par exemple, qui lui, mets le problème au premier plan), mais quand même, qu’un blockbuster dit "décérébré", sans prétention autre que le grand spectacle, se permets de véhiculer cette idée, c'est pas mal.


Le film présente tout de même quelques lacunes, comme une bande originale un peu trop banale, qui pourrait être meilleure, surtout aux moments les plus forts (la fin, où la moitié des personnages "disparaît"). Ceux ci auraient été enrichis au niveau émotionnel si la musique se permettait quelques virtuosités épiques, mais ici, elle est simplement correcte, pas mauvaise, mais pas non plus mémorable.
Quelques incohérences à déplorer, comme la force de Thanos par exemple, fluctuant de manière un peu trop aléatoire et un peu trop in-crédible (il lui faut 15 secondes pour vaincre Hulk avec 2 pierres d’infinité, mais Captain America arrive à stopper le titan fou pendant le même laps de temps alors que celui ci en possède à ce moment 5...), peut être mises ici et là pour la "beauté des scènes".
De même, certaines facilités scénaristiques permettant d’avancer plus loin dans la mise en place d’alliances super-héroïques se font indiscrètes, comme la quête de Thor afin de se fabriquer une arme magique pour affronter Thanos, jetée au beau milieu de la mêlée comme ça, sans intérêt particulier (le mec maîtrisant déjà la foudre de base, sans hache ni marteau ni couteau suisse).
Autre point faible du film, l'attente et la publicité qui l'ont précédé, là où le film était vendu comme un prophète super-héroïque marquant, il n'en est qu'un simple divertissement sans la portée d'un Dark Knight ou un Watchmen. Là où la promotion d'un film rencontre ses limites.


Avengers - Infinity War, dernier rejeton de l’écurie MARVEL, est donc un divertissement efficace, fun (c’est tout ce qu’on lui demande) et sympathique, avec quelques surprises désirées, un humour décomplexé, et derrière ce gros calibre taillé pour les scores au box office, il y a tout de même une prise de risques au niveau de la narration et des personnages ainsi qu’un chamboulement des bases initiales à saluer, car il évite de basculer dans la routine et instaure des nouveautés.
Avec cette énième escapade héroïque, MARVEL a fait un condensé de ce qu’il sait faire de mieux, le tout en un peu mieux. Mais est-ce que ce film était à la hauteur des 10 années de travail et des 18 long métrages de préparation à cet acte final ? Pas sûr, car on est certes sur un gros morceau qui, au vu des moyens mis en oeuvre, reste le film de tous les superlatifs et est un bon gros divertissement, mais entre qualifier ce film d'efficace et qualifier ce film d'aboutissement et de référence de son genre, il y a un monde, et comme dit ci-dessus, la pub y est pour quelque chose, comme lorsque l'on te promet un burger qui tient bien en place et que tu ouvres la boîte pour découvrir un sandwich écrasé avec de la tomate se faisant la malle. Avengers : Infinity War, malgré ses qualités, n'est pas prêt de rejoindre *The Dark Knight*de Nolan ou le second Spider-Man de Sam Raimi au panthéon des meilleurs films de ce genre, car même s'il se définit comme une nouvelle escapade MARVEL mise à jour sans les défauts de ses prédécesseurs, il lui manque tout de même une âme derrière ce déferlement d'action explosif (efficace bien entendu), car à 100 ou 250 millions de dollars, avec une ou 10 pointures de casting, le constat reste le même, un MARVEL, même meilleur qu'un autre, reste un MARVEL.
Et cette âme, Avengers : Infinity War aurait pu en avoir une, s'il concluait l'univers cinématographique MARVEL, sur cette note suave et acerbe à la fois qu'est "les gentils ne gagnent pas toujours" ou encore "on récolte toujours ce que l'on sème". Le coup de la surpopulation et des conséquences dont sont victimes les Avengers (la mort de Spider-Man face à Tony par exemple, "le jeune périt et le vieux s'attarde") y auraient été pour beaucoup, mais l'annonce de la seconde partie sortant dans nos salles 1 an plus tard, une partie renouant avec la positivité et l'héroïsme naïf, tout en annulant les conséquences de ce troisième opus, font de ce film un énième divertissement sans portée ni engagement, qu'il soit de l'ordre de la réflexion ou d'ordre émotionnel.

Tom-Bombadil
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le 8 mai 2018

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Tom Bombadil

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