Phénomène déliant les langues, attisant un flamboyant foyer où crépitent, déjà, une pléiade de théories quant au devenir de son sujet, Infinity War aura sans conteste frappé très fort : et à l’image de l’enclume ployant sous les coups du marteau, l’assimilation d’un MCU tentaculaire par le spectateur semble atteindre ici son paroxysme, chose naturellement corrélée au statut particulier que revêt son dernier-né.
Succédant à pas moins de dix-huit longs-métrages, dont la qualité fluctuante contribuait envers et contre tout au déploiement un environnement (cinématographique) unique, Infinity War se fait donc le porte-étendard d’un palier hautement significatif – venant en ce sens clôturer une construction de longue haleine : l’intérêt tout indiqué étant que, sans surprise et en vertu d’un calendrier aux deux facettes contradictoires (nous y reviendrons), le long-métrage ouvre des perspectives futures dont le flou n’a d’égal que notre impatience chronique, pauvres hères que nous sommes.
Dans cette optique, Infinity War outrepasse largement le seul champ du débat « filmique », dans un sens traditionnel : car là où ses prédécesseurs suscitaient déjà une appréhension, croissante, de la portée du MCU, ce dernier parachève nos espoirs et craintes dans un sacré foutoir à réflexions – et bien entendu interrogations. Fort d’une prédominance alliant rayonnement et productivité, le tout-puissant Hollywood, de plus en plus trusté par des mastodontes voraces (telle la mascotte aux grandes oreilles), se constitue acteur direct d’un système dont les promesses démentielles supposent un envers des plus inquiétants : au-delà de la course au dollar, les limites attenantes à la lassitude du public étaient déjà prégnantes, la folle course en avant du MCU risquant de virer à d’interminables cycles – de plus en plus prévisibles.
Quelques films auront imprimé des inflexions de caps bienvenues (Gardiens, Ragnarok), mais la problématique inhérente à la complexité du support papier, sous l’égide des rééditions, multivers et compagnie, renvoie de façon invariable aux contraintes du médium ciné’ : une conséquence notoire tenant en une cohérence de plus en plus difficile à maintenir entre les opus, les backgrounds et finalités de personnages distincts affectant à n’en plus finir la tenue des grands rassemblements. De surcroît, les composantes modernes de l’industrie du Septième Art sont des freins lourdauds à l’édification d’un MCU sous un angle « surprenant », ce fameux calendrier des sorties dénaturant en partie des mécanismes pourtant primordiaux (dénouements, cliffhanger/climax et autres ponts dans le cas présent).
L’attrait de la rente compromet également la vraisemblance de certains trépas, dans la mesure où si les studios s’asseyaient sur leurs figures emblématiques, le manque à gagner serait sans commune mesure : malheureusement, tandis que l’image du serpent se mordant la queue se dessine de plus en plus distinctement, il apparaissait comme étant peu probable qu’un Marvel Studios attente à l’immortalité artificielle de ses héros… elle-même assujettie aux aléas de notre commun à nous autres, mortels et bien réels. Le MCU invoque donc des enjeux de tous horizons, démarche créative, (pop-)culture du divertissement et macroéconomie (pour ne citer qu’eux) s’enchevêtrant pêle-mêle dans une configuration insondable – rendant ainsi son étude des plus alambiquées.
Sans aller jusqu’à prétendre détenir des clés de compréhension, que j’aurai dispensé ci-et-là au gré de ce billet rédigé d’une quasi-traite, il me semble plus opportun de mettre en lumière ce passionnant foutoir plutôt que de détailler mon avis sur Infinity War – dans un sens classique donc. Car oui, le film s’apparente à une réussite, la réal’ de la fratrie Russo est très efficace, c’est clinquant et épique à souhait, et la teneur dramatique d’une atmosphère mouvante paraît plus intense que jamais… quand bien même le récit se doterait de rayonnantes séquences humoristiques, la rencontre entre Thor et les Gardiens en attestant.
Seulement voilà : par-delà les bonnes idées, punchlines et autres ficelles récurrentes, le pan thanatique dont se drape Infinity War parasite nos esprits enfiévrés : le MCU aura frappé très fort, des têtes supposément intouchables tombant en cascade à l’aune d’un dénouement frisant le mindfuck. Vraiment ? Le MCU serait-il parvenu à contredire nos réticences les plus infimes, notamment celles exposées plus haut, en vertu d’une révolution en profondeur de son univers ? De prime abord, force est de constater que la chose est, foutrement, marquante : en dépit de la perspective d’une seconde partie (chose que, à l’ouest que je suis, n’ai découvert qu’au terme de la séance), pareille écriture estomaque sans coup férir, assimilable à un foudroyant éclair de génie – dont l’associée prise de risque affermi diablement sa portée.
Cependant, une fois le soufflet retombé et la ferveur de l’instant estompée, peut-on légitimement croire sans réserve que Infinity War marque un tournant auquel le MCU va se conformer ? Ses scénaristes et têtes-pensantes nous délivrerons-t-ils, dans un futur relativement proche, une conclusion à cette fresque dantesque et sans pareille ? Ce qui nous ramène au fond du problème : comment mettre un terme, de façon satisfaisante et intelligente, à une telle entreprise, tiraillée entre sa multitude de têtes d’affiche ? Si ce dernier film apporte donc des éléments de réponses, gageons qu’il en soulève bien plus, et que seul l’avenir sera à même de nous éclairer sur la teneur de ses promesses induites.
J’arrive personnellement à un point où, conscient du potentiel « spoilant » de ce foutu calendrier, je tente en vain de l’esquiver : pourtant, sous l’égide d’informations filtrant à n’en plus finir ci-et-là, il semble peu probable que le MCU ne reviendra pas, tout du moins en partie, sur son dernier tour de force. Entre les paroles énigmatiques de Doctor Strange, l’absence à l’écran de personnages notoires, l’annonce finale de Captain Marvel et, bien sûr, ce foutu calendrier, tout tend à indiquer que les prochains long-métrages affecteront considérablement le dénouement d’Infinity War. Assurément, nous ne sommes point dupes quant aux tours de passe-passe scénaristiques dont pourra se prévaloir, notamment, sa seconde partie : mais entre pessimisme, réalisme et espoir fou d’une fin de phase 3 (puis 4) faisant enter le MCU dans un arc final alléchant, nul doute que nombre de nos prédictions auront manqué le coche… quant aux autres, allez savoir.