Nous sommes depuis quelques années abreuvés de biopics plus ou moins dispensables mais celui d'Howard Hughes valait le coup d'être fait,surtout avec Scorsese aux manettes.Le moins qu'on puisse dire est que ce magnat de l'aéronautique a eu une vie trépidante et que sa trouble personnalité était fascinante.Héritier d'une grande fortune pétrolière texane,l'homme s'est très tôt désintéressé de la gestion de l'affaire familiale pour se consacrer à ses véritables passions.L'aviation tout d'abord,domaine dans lequel il fut un génie visionnaire,le cinéma ensuite qui le vit faire une carrière de producteur et de réalisateur certes peu fournie mais audacieuse et originale.Hughes était un inventeur et un expérimentateur insatiable et le film nous entraîne dans l'incessant tourbillon qu'était sa vie.Il créait des avions qu'il essayait lui-même,ce qui lui valut de survivre,en mauvais état d'ailleurs,à plusieurs crashes.Il créa aussi la TWA,qu'il dut défendre férocement face à la guerre impitoyable que lui livra la puissante PanAm qui voulait détruire toute concurrence.Il séduisit un grand nombre de stars de cinéma et vécut de belles histoires d'amour avec deux d'entre elles,la maternante Katharine Hepburn et l'indépendante Ava Gardner.Le qualificatif de Phénix lui va à merveille,car il renaquit maintes fois de ses cendres,et même au sens propre du terme,toujours soutenu par un petit groupe de collaborateurs fidèles présents à ses côtés dès le début de l'aventure.Mais Scorsese s'attache également à décrire la face sombre du personnage qui,derrière la success story,cachait d'inquiétants démons prenant peu à peu le contrôle de son cerveau.Car Hughes était mégalomane,obsessionnel,maniaque,hypocondriaque,paranoïaque,agoraphobe,bref complètement dingue.On le voit se laisser lentement submerger par ses TOC liés à sa fixation hygiéniste.La réalisation rapide et musclée de Scorsese nous plonge avec délice au coeur de cette existence agitée et tourmentée au moyen d'étourdissants mouvements d'appareils qui semblent abolir les frontières de l'espace et du temps.le découpage des scènes est un vrai bonheur,notamment dans les plans aériens et particulièrement lors de l'époustouflant crash sur Los Angeles.La photo aux lumières chaudes de Robert Richardson donne une ambiance vintage qui contribue à restaurer le look des années 30-40 et les dialogues sont fort bien écrits.La distribution est un superbe rassemblement de pointures à la tête duquel on trouve Leonardo Di Caprio qui avec ce film,"J. Edgar" et "Le loup de Wall Street",pourrait concourir au titre de "Mister Biopic".Le comédien incarne merveilleusement,et dans tous ses états,un Hughes en permanence sur la corde raide qui partage d'ailleurs avec Hoover l'origine maternelle de son traumatisme.