Explosif serait le terme le plus adéquat pour décrire le dernier long-métrage de Damien Chazelle! A l'image de l'ouverture sur un pachyderme qui défèque littéralement sur la caméra, suivi d'une soirée orgiaque où l'alcool et la drogue coulent à flots, Babylon est un véritable cocktail molotov!
Le cinéma c'est avant tout des émotions que l'on ressent à travers ce petit faisceau lumineux projeté sur une grande toile blanche. En ce sens, le 5ème film du réalisateur franco-américain est un franc-succès car le spectateur en a pour son argent, n'en déplaise à nos compatriotes outre-Atlantique. Rires, dégoût, peur et par moment un petit sentiment de déjà vu nous traverse alors que Margot Robbie régurgite ses flûtes de champagne sur le tapis d'un aristocrate, non sans nous faire penser à la dernière palme d'or de Ruben Östlund.
Babylon ne se contente pas d'être une hommage à cet "art mineur" qu'était le cinéma il y a tout juste un siècle, il nous plonge dans la réalité extravagante d'une industrie en constante évolution. Alors qu'aujourd'hui on évoque la mort du cinéma à cause de l'avancée des plateformes de streaming, déjà dans les années 20, celui-ci était menacé par l'arrivée du parlant et de ses coûts de production colossaux. Seulement voilà, le cinéma comme le dit si justement le réalisateur à travers Brad Pitt, ça fait rêver les plus modestes qui ne jouissent pas des distractions réservées aux classes supérieures que sont le théâtre ou l'opéra.
Le cinéma c'est aussi le moyen pour les plus miséreux d'échapper à leur quotidien, de vivre et de mourir dans une réalité parallèle; "but it's not real" comme nous l'explique Manny dès le début du film.
Le 7ème art en fait vivre et rêver plus d'un mais il est également capable de tout détruire sur son passage. Les succès ne seraient rien sans les sacrifices qu'ils ont engendrés comme ce technicien qui meurt empalé sur une lance pour les besoins d'un metteur en scène un tantinet écervelé. Et si la lumière des projecteurs peut se poser sur vous, elle peut s'évanouir tout aussi rapidement, et alors vous rejoindrez les fantômes et les anges... déchus. (littéralement puisque Brad et Margot n'y survivront pas).
Enfin, comment ne pas être séduit ou du moins complètement secoué par les innombrables péripéties qui traversent l'écran, toutes sublimées par une mise en scène que l'on pourrait qualifier d'épique à l'image de l'époque que le film dépeint, où plans séquences et montage ultra rapide cohabitent avec les meilleurs acteurs de la planète (Mention spéciale à Tobey Maguire).
Ne vous y méprenez pas, Babylon n'est certainement pas un film où l'on s'ennuie. 3h sont bien vite écoulées quand le rythme de cet univers dans lequel nous sommes immergés est aussi effréné. Outre cette déclaration d'amour au 7ème art, Chazelle fait l'éloge des musiciens qu'il ne peut s'empêcher de filmer comme dans ces précédents films Whiplash et La La Land, sans qui le cinéma actuel ne serait rien mais qui sont pourtant capables de survivre sans lui (Sidney Palmer est par ailleurs l'unique survivant parmi les artistes car il a su s'échapper au moment opportun des rouages de la machine infernale).
Les Grands Perdants de cette révolution sont donc bien les acteurs qui ne représentent au final pour les studios apporteurs de capitaux (MGM, Warner, Kinoscope...), que des matières premières transposables au succès éphémère.