Babylon, trois heures, commence dans le plus grand des excès avec une ambiance pornographique (urophilie, sexe en public, éjaculation, chant obscène), grouillante et décadente lors d'une fête splendide. La caméra est folle, le récit est vif, peut être trop pour son bien, trop pour pleinement ressentir la beauté des images à la photographie impeccable.
S'en suit un récit choral, qui délaisse un peu l'intériorité de ses personnages sauf peut être pour Brad Pitt et qui parle de ce cinéma de 1926 à 1930 avec le passage au parlant et les nombreux tournages chaotiques.
Ce chaos se ressent dans l'entièreté du métrage à cause du ton dur à cerner. D'abord obscène et pornographique avec cette intro teintée de jazz et de drogue, puis variant entre comique et dramatique, le reste du film semble perdue entre une volonté sincère d'aborder l'art cinématographique et la tragédie des âmes brisées dans l'industrie ; et un désir de comique par l'outrance avec une prolongation du motif gerbatoire qu'on trouvait dès les premiers instants du film dans le déferlement de merdes d'éléphant mais aussi avec la mort comique de plusieurs personnages qui laisse perplexe dans le ressenti qu'elles provoquent.
Diverses destinées défilent pendant les trois heures et même si cela n'est pas constamment passionnant comme peuvent l'être certains chefs-d'œuvre à l'instar du Parrain, forcé de constater qu'on ne s'ennuie jamais vraiment. Cela est dû à la multiplication des intrigues mais aussi aux nombreuses séquences digne d'intérêt: fêtes, mises en abimes de tournages démesurés qui mettent les émotions de ceux qui y participent sans dessus dessous, rencontre avec des gangsters et descente au enfer sordide, ou encore déchéance médiatique et relation avec la critique d'Hollywood.
Si l'œuvre souhaite traiter la période et parler du passage du muet au parlant, elle se heurte tout de même à Chantons sous la pluie (1952) et ne parviens pas, tout en étant beaucoup plus long , à être aussi didactique que le maître, laissant le spectateur cinéphile se débrouiller avec les noms connus cités ça et là, et avec sa connaissance historique de la période (passage au parlant, parallélisme avec l'œuvre citée plus haut, les raisons des restrictions morales) mais abandonnant quelque peu le spectateur lambda en rendant assez opaque la grande histoire qui évolue dans la perspective.
Parfois bancale dans l'équilibre de son ambiance, tantôt crédible, tantôt purement fantasmatique par l'humour et la banalisation de la mort, le film n'en reste pas moins très généreux et maîtrisé du point de vu de l'image mais manque peut être un petit peu de cœur, d'ancrage émotionnel pour le spectateur (à part peut être vis à vis du personnage de Brad Pitt), et son élan final, bien que plastiquement et dans la mise en scène, assez superbe, illumine assez bien l'inopérance du film lorsqu'il s'agit de faire ressentir un bouleversement émotionnel au spectateur.