Le cinéma est une suite de révolutions s'appuyant les unes sur les autres. Le dernier long-métrage de Damien Chazelle s'attache à revenir sur l'une d'entre elles, celle du son.
Mais l'approche n'est pas celle du documentaire, elle a le souffle, comme le suggère son titre, d'une épopée antique, à l'ambition folle. Durant trois heures, le film s'attache à retranscrire la démesure, dans sa fulgurance et son mauvais goût, de l'âge d'or du cinéma muet mais également la brutalité de la transition vers la parole.
De ces deux périodes résulte un film tout en dualité. La folie de cette fin des années 30 est superbe et laide à la fois, le rythme du film alterne entre énergie effrénée joyeuse ou violente et langueurs douces ou mélancoliques.
C'est le récit de la chute d'un monde, nécessaire à l'émergence d'un nouveau, mais jamais malgré la brutalité de cette fin, l'histoire ne devient qu'une énième descente aux enfers qui alternerait entre le tragique et le pathétique. C'est fait avec beaucoup plus d'élégance. Plutôt que de se morfondre dans une nostalgie qui en deviendrait malsaine, le récit met au contraire tout en œuvre pour réinscrire ce chainon manquant à la place qui lui revient.
Un grand film donc qui ramène le souvenir de tout une époque, mais non pas avec un arrière goût de c'était mieux avant, mais au contraire pour le réinscrire dans un tout bariolé et homogène à la fois qu'est l'histoire de cet art.
Un bémol peut-être, c'est qu'avec une telle mission, la fresque finit par écraser ses personnages, qui peinent, à pleinement nous émouvoir. Mais reste après tout l'émotion que nous délivre celui qui tient le rôle titre : le cinéma.