Once Upon A Time in Babylon ou The Wolf Of Babylon

Babylon est le cinquième film du réalisateur franco-américain Damien Chazelle. Si sa série pour Netflix "Eddy" a plutôt divisé et que son dernier film "First Man" n'avait pas eu le succès de ses précédents, Damien Chazelle est l'un des réalisateurs de la nouvelle génération qui s'est le plus fait remarqué. Unanimité de la presse et de la profession, soldée par un Oscar du meilleur réalisateur pour "La La Land". Le public a suivi et les films "Whiplash" et "La La Land" ont bénéficiés de très grands succès d'estime, étant souvent cités par beaucoup comme des films importants de la dernière décennie. Son nouveau film était donc attendu, d'autant plus qu'il sera beaucoup question d'Hollywood avec notamment les incontournables Margot Robbie et Brad Pitt.


Ma relation avec Damien Chazelle est plutôt paradoxale. Son style, ce qu'il veut véhiculer et la manière dont il le fait dans son cinéma ne me parle initialement pas. Pourtant, après avoir vu l'ensemble de sa filmographie, je peux dire que voir un film de ce réalisateur c'est me garantir un bon moment, qui peut même être très bon parfois. Il arrive à chaque fois à m'emporter un minimum, même lorsque cela me paraît perdu d'avance ("La La Land"). Néanmoins, ces films ne me laissent aucune trace sur le long terme. Je passe mon (très) bon moment devant son cinéma et puis à l'avenir je dirai "oh oui ce film, c'est vrai que c'était bien. Bon, je ne le reverrai probablement plus, mais j'ai passé un plutôt bon moment". Donc pour qualifier Damien Chazelle et le rapport que j'ai avec ses films, j'utiliserai des compliments mais pas de superlatifs. Non pas car il ne les mériterait pas mais tout simplement car je pars de trop loin pour pleinement apprécier ses films. Qu'en est-il donc de Babylon?


Tout d'abord, Babylon narre l'histoire et de le destin de trois personnages dans le Hollywood des années 20 et 30; l'acteur confirmé Jack Conrad (interprété par Brad Pitt), l'actrice débutante Nellie LaRoy (Margot Robbie) et l'assistant Manny Torres (Diego Calva).


Pour commencer, je pense que nous avons été nombreux à avoir pensé à "Once Upon A Time in Hollywood" en regardant le film. En tout cas le contraire m'étonnerait. Un Hollywood du passé comme cadre spatio-temporel occasionne forcément les inévitables scènes de répétitions qui vont devoir être rejouées encore et encore, les tourments des différents acteurs d'un film (ceux devant et derrière la caméra) ou celles où les longs-métrages sont vus par les spectateurs dans les salles de cinéma, à laquelle se fondent les personnages de Chazelle, comme le faisaient ceux de Quentin Tarantino dans son dernier film. Concernant les projections en salles, Chazelle va même utilisé un effet identique à celui qu'avait opéré Tarantino lorsque Sharon Tate va se voir dans son propre film lors d'une séance.


La comparaison ne s'arrête pas là. Dans ce Hollywood, nous suivons la vie de ces personnages, qui se croiseront parfois, et parfois non. Deux hommes et une femme à chaque fois avec Margot Robbie et Brad Pitt dans les deux films. Ce dernier est presque dans la même lignée que sur OUATIH, le personnage étant différent mais l'acteur y est inconisé de la même façon. Ce n'est clairement pas un film qui froissera la légende de Brad Pitt, qui est ici très bon. Quant à elle, Margot Robbie change totalement de registre. Si elle était le symbole d'une âme pure dans le film de Tarantino, elle est ici symbole de vulgarité. En tout cas, symbole de vulgarité dans le milieu qu'elle exerce, où elle est considérée comme un véritable ovni. Une nouvelle fois excellente dans ce film. Le choix d'avoir d'ailleurs choisi pour ces rôles celle qui en l'espace de dix ans a déjà fait toutes ses preuves et celui qui est considéré comme l'une des dernières légendes d'Hollywood est bien entendu pas anodin. Au niveau des points communs, on pourrait ajouter la volonté d'écrire la grande histoire à travers la petite, bien que traités différemment et sur différents thèmes. Enfin, les deux films se permettent une incursion dans le suspens et même l'horreur, bien que ce soit bien plus prononcé dans le film de Chazelle. À noter que derrière leur "preuve d'amour du cinéma", les deux films sont plutôt acerbes envers une certaines façons de faire de l'Hollywood de l'époque. Nous ne sommes pas dans le "Hollywood is Hell" de David Lynch dans Mulholland Drive, mais on peut s'y rapprocher dans le dernier long-métrage de l'auteur de La La Land.


La comparaison s'arrête là et les films restent en soit bien différents. La principale différence est dû au fait que le film de Tarantino est plus une parenthèse (enchantée), dont l'histoire se déroule sur plusieurs jours. Babylon est une fresque qui s'étale sur plusieurs années et joue bien plus la carte du spectaculaire. La dramaturgie est bien plus Scorsesienne avec cette structure de montée et descente. La débauche d'Hollywood, considéré comme le monde fabricateur de rêves et propre sur soi, rappelle la débauche filmée par Scorsese dans "Le Loup de Wall Street", où figure une nouvelle fois Margot Robbie. On peut donc dire que ce dernier long-métrage de Chazelle est un mélange du film de Tarantino et de celui de Scorsese. Blague à part, temps de parler réellement du film Babylon.


Babylon est un film qui se veut impressionnant et qu'il l'est. La première séquence donne clairement le ton, Damien Chazelle montre qu'il sait parfaitement filmer et mettre en scène de manière fluide un espace surchargé de personnes et ô combien vivant. La première scène rendrait presque celle de La La Land sur l'autoroute comme sobre. Que Chazelle soit parfaitement capable de gérer ce genre de situations, nous le savions déjà mais le réalisateur semble être en mission, Babylon se devant d'être son film somme, la pièce ultime de sa jeune oeuvre globale.


En effet, ce film est un étalage de prouesses ou grandiloquence filmique, à travers les mouvements de caméra, le montage, les différents formats, l'utilisation des figurants, les explosions. Le spectateur désirant d'être diverti en aura pour son argent. D'autant plus que Chazelle tente de distiller différentes émotions et ses différents effets tout le long du film: le rire, la peine voire même la peur. Avec plus ou moins de succès. L'humour du film est globalement efficace, même s'il peut paraître un petit peu stéréotypé car encore une fois, ça fait beaucoup penser aux deux réalisateurs cités plus haut. Concernant la dernière émotion, j'y reviendrai plus tard.

Mon rapport au film est finalement assez similaire à mon rapport avec la filmographie de Damien Chazelle de manière générale. J'ai franchement apprécié le moment passé à regarder Babylon, probablement plus que certains de ses autres films. J'ai ri, me suis laissé globalement emporté et ai plutôt apprécié les différentes dynamiques, que ce soit celles des personnages ou bien où l'histoire allait. Il y a des scènes véritablement réussies, peut-être même de grands moments, à confirmer avec plus de recul. La photographie est juste splendide et la bande originale de Justin Hurwitz est géniale. Le film a donc assez pour permettre à une majorité de personnes de sortir du film pleinement satisfaits, les pieds ne touchant plus le sol. Les miens ont cependant continuer de toucher la terre ferme et je n'en suis pas sorti avec un sentiment de flottement. La raison?

Plus haut, j'ai comparé ce film avec deux autres réalisateurs dont je suis bien plus sensible au style que celui de Chazelle. Et donc certaines scènes n'ont pas eu l'effet escompté sur moi. Je peux citer la séquence de débauche en tout début de film. Ce sexe en veux-tu en voila avec certains penchants "décalés" pour troubler m'a semblé quelque peu superficiel une fois le "filtre Chazelle" passé dessus. La séquence qui se veut horrifique ou au moins inquiétante est clairement pas celle qui m'a le plus embarqué. J'ai trouvé que réalisateur utilisait (une fois de plus) les gros sabots et si je n'ai absolument pas trouvé cette partie déplaisante, j'étais quelque peu en dehors. Tout comme la sensation de danger que je n'ai jamais ressenti, en tout cas clairement pas jusqu'au tripes.


Et là, le drame. La grande séquence de fin qui se veut si marquante, n'a provoqué chez moi qu'un petit intérêt poli. Je ne vais pas aller dans le détail mais ceux qui ont vu le film savent à quoi je fais allusion. Je trouve que c'est typiquement dans ce genre de moments que le film souffre de l'ambition de Damien Chazelle. Ce dernier, pour moi et selon mon interprétation, souhaite faire avec Babylon une sorte de film définitif et il s'en donne les moyens. C'est la raison principale de ce qui marche dans le film, avec tous les points abordés jusqu'ici. Je pourrait ajouter certaines thématiques en évoquant les classes sociales et raciales que j'ai trouvé plutôt intéressants, bien que ça n'aille pas plus loin non plus. Cette ambition qui réussit souvent au film et aussi pour moi ce qui lui vaut ces faiblesses. Il n'y a selon moi rien de mal à voir les choses en grand et vouloir marquer l'inconscient du spectateur, mais le souci que j'ai avec Chazelle et que j'ai souvent l'impression qu'il veut à tout prix qu'on le sache. Il use selon moi de beaucoup trop d'artifices. Alors c'est beau, c'est même très beau. Le film est un véritable produit filmique accompli, hélas parfois trop tape-à-l'œil à mon goût. Ravi pour ceux qui ne le ressentent pas ainsi.


Babylon est donc à l'image du cinéma de son auteur, un objet cinématographique dense et spectaculaire qui mérite le coup d'être vu mais qui pour moi aura été certes porté mais aussi freiné par son ambition. Une bonne analogie de ce qu'est Hollywood, finalement. En tout cas avec ce dernier long-métrage, Damien Chazelle ne m'aura pas nécessairement fabriqué un rêve (était-ce l'unique but quand on regarde profondément ce que le film raconte?) mais un bon et joli moment. L'essentiel est bien là.



starlessnassim
7
Écrit par

Créée

le 21 janv. 2023

Critique lue 33 fois

starlessnassim

Écrit par

Critique lue 33 fois

D'autres avis sur Babylon

Babylon
Sergent_Pepper
8

Door to the pictures

La sempiternelle question de la mort du cinéma semble avoir pris du galon ces dernières années, entre essor des plates-formes, fermeture des salles sous pandémie et difficultés de la reprise. Elle...

le 18 janv. 2023

250 j'aime

19

Babylon
JorikVesperhaven
5

Boursouflure hollywoodienne dégénérée.

Beaucoup de grands artistes ont leur film malade voire maudit. Une grande fresque pleine d’ambition dont le résultat n’est pas mauvais mais boiteux et souvent trop hermétique hormis pour celui à...

le 12 janv. 2023

148 j'aime

3

Babylon
Eren
10

Mille & une cuites

On le sait depuis quelques jours, le film de Chazelle a fait un gros bide pour son entrée au cinéma. Je ne vais pas m’étaler sur la question du pourquoi et du comment de ce bide, même si cela a...

Par

le 6 janv. 2023

125 j'aime

25

Du même critique

4:13 Dream
starlessnassim
5

Fin amère. Ouf, ce n'est pas la fin !

Ressenti publié dans le cadre de mon classement intégral de la discographie de The Cure, composée de 13 albums studio.En 2008 paraît 4:13 Dream, dernier disque toujours en date. Après une sortie de...

le 16 oct. 2024

1 j'aime

Pin Ups
starlessnassim
6

Dans un océan de créativités, une parenthèse glam

Ressenti publié dans le cadre de mon classement intégral de la discographie de David Bowie, composée de 26 albums studio. Numéro 24 : Pin Ups En 1972, la carrière et la vie de David Bowie changea...

le 12 févr. 2023

1 j'aime

Vampire Hunter D: Bloodlust
starlessnassim
7

Entre se réinventer et s'adapter, la frontière est mince.

Découverte.C'est en 2000 que sort Vampire Hunter D: Bloodlust, soit quinze années après le premier film, réalisé par Toyoo Ashida. Ici, c'est Yoshiaki Kawajiri qui est à la direction, lui qui n'avait...

le 31 déc. 2022

1 j'aime

2