Surfant sur le succès de l’oscarisation de ses 3 derniers films dont 2 sont cités dans la tagline de l’affiche, Damien Chazelle continue à crier son amour pour le 7ème art après sa synthèse et relecture des comédies musicales proposées dans Lalaland. Ici, il adapte, selon lui, la meilleure époque Hollywoodienne : La fin du muet au cinéma.
C’est un moment qui achève le sommet de la sublimité de cette époque (avec les œuvres de Murnau, Stroheim, Dreyer, Chaplin…) avant sa disparition avec l’arrivée du parlant.
Effectivement, ce fut vraiment un tournant décisif dans cette industrie entraînant un changement fondamental dans la perception du jeu des acteurs, notamment à travers la voix et de faire évoluer la narration des films avec la disparition des intertitres.
Tout comme dans Lalaland, il va s’attacher principalement à décrire le parcours d’une femme (l’omniprésente Margot Robbie depuis quelques temps) et d’un homme (Diego Calva). Ici, ils veulent se faire une place à tout prix dans un Hollywood qu'ils idéalisent. Ils vont découvrir, au fur et à mesure, l'envers du décor. Ce dernier va se révéler beaucoup moins glorieux et prestigieux que ce qu'ils pensaient.
Par leur intermédiaire, nous allons rencontrer d’autres personnages plus ou moins importants, comme une star sur le déclin et le sort d’un musicien noir dans ce Hollywood décadent et sulfureux. Grâce à ce dernier personnage, le réalisateur déclame, une fois de plus, sa passion pour la musique jazzy ayant contribué plus tard à l’émergence d’artistes comme John Coltrane étant :
Un des meilleurs musiciens au monde.
C’est indéniablement cette présence musicale qui définit le mieux le style du cinéaste. Là encore, les transitions et les morceaux proposés frôlent la perfection pour imprimer un rythme aux scènes et à son histoire. Avant l’apparition du titre Babylon, la présentation des personnages principaux lors d’une fête l’exprime à merveille permettant de faire une sérieuse concurrence à la chorégraphie introductive musicale d’un Climax.
Cette introduction permet de poser les bases de Babylon, tout en testant les limites du spectateur en termes de scènes dégoûtantes, sulfureuses et choquantes se succédant ou présentes dans un même cadre. Cela explique pour moi le désaveu du film par le public américain pour cette proposition, contrairement au public français apparemment d’après ses premiers chiffres au box-office.
D’autant que l’on n’assiste pas à une « rise and fall » classique car un personnage est déjà dans sa phase descendante dès son apparition. Il est brillamment interprété par un Brad Pitt, en pleine résurrection artistique, depuis son apparition dans un autre film sur l’industrie cinématographique américaine : Once Upon a time…in Hollywood.
Ensuite, là où le cheminement est plus classique car déjà vu est celui de l’aspirante actrice et d’un jeune voulant se faire une place dans cet univers ce qui ne va pas être sans conséquence. Margot Robbie irradie chaque scène à travers la maîtrise de son personnage libre, avec un côté déjanté qui m’a un peu gêné. En effet, j’ai l’impression qu’elle glisse dans le syndrome « Harley Quinn » comme si entre deux interprétations, elle avait dû mal à sortir de son personnage qu’elle a déjà interprété à 3 reprises. Ce ressenti en tant que spectateur était déjà présent lors du visionnage d’Amsterdam. Encore un film qui a bidé aux States. Comme le dit l’homme Grenouille dans sa critique, l’écho à Once Upon a time…in Hollywood est évident car elle incarne encore un personnage tragique ici.
Heureusement, Diego Calva casse un peu cette redite en incarnant un jeune idéaliste devant faire ses preuves dans ce milieu en commençant au plus bas de la hiérarchie. Ce nouvel acteur donne un peu de fraîcheur au film.
Joven Adepo est crédible en tant que musicien noir devenant un acteur de manière assez inattendue. Même s’il ne chante pas, la référence au Chanteur de jazz est une évidence. Cela ressort également dans une scène très intéressante montrant clairement le racisme régnant dans cette industrie où on lui demande de se noircir encore plus la peau pour être raccord avec les autres musiciens. C’est simple mais très efficace.
Le cinéaste n’oublie de mentionner les scandales sexuels ayant secoué Hollywood pendant les années 20 et 30 à travers le personnage joué par Li Jun li vivant librement sa sexualité caractérisée dans les paroles de sa première chanson.
Et comme dans certains films de Quentin Tarantino, il propose un rôle d'agent incompétent à un acteur dans la carrière s'est essoufflée depuis longtemps afin de lui redonner un peu de visibilité : Eric Roberts (Runaway Train, Best of the best ).
Je vais entrer sur certains défauts qui m’ont fait tiquer sévère. Lukas Haas (le petit garçon dans Witness) n’arrive pas à faire exister son personnage pleurnichard en raison de sa proximité avec la présence magnétique d’un Brad Pitt bouffant littéralement la pellicule.
Et surtout pourquoi maquiller Tobey Maguire de façon aussi grotesque. Sa façon de parler, de bouger et de s’habiller suffisent à comprendre le côté dangereux et malsain du personnage. Surtout qu’en plus, il fait partie des producteurs du film. C’est incompréhensible et je ne suis pas sûr que cela va contribuer à redonner un nouvel élan à sa carrière, malgré son talent.
Babylon présente toutes les humiliations que peuvent vivre les acteurs et actrices à travers leur jeu, leur voix, leur genre, la sexualité, la manière dont ils sont traités par les réalisateurs, l’équipe technique, les exécutifs. Pour ces derniers, la scène où le personnage de Margot doit faire bonne figure lors d’un banquet est édifiante. Personne n'est épargnée, même pas les figurants ou certains personnes de l’équipe technique dont la mort n’est qu’accessoire car :
The Show must go on !
On est bien dans la continuité de la filmographie du metteur en scène où ces blessures et vexations étaient déjà évoquées dans Whiplash.
Conclusion :
Comme Lalaland, ce film est une relecture de tout un pan du 7ème art, tout en montrant très bien l’enfer de cet univers dans lequel les stars se brûlent les ailes et peuvent être remplacées aussi facilement qu’un claquement de doigt. Cela est paradoxal parce qu’elles sont immortalisées sur pellicule et existeront tant qu’un public les regarderont.
Damien Chazelle propose également une synthèse de l’évolution des techniques du cinéma à travers un patchwork d’images de films ayant révolutionné le cinéma. On a clairement l’impression qu’il veut s’inscrire dans cette lignée. L’avenir nous le dira dans 20 ou 30 ans.
Il n'en reste pas moins un film somme (3h09) qui ne plaira pas à tout le monde. C’est une certitude. N’ayant pas une grande affinité avec les comédies musicales, j’ai davantage apprécié Babylon que Lalaland. Je vais m’attirer les foudres de certains mais c’est ainsi. Les goûts et les couleurs...vous savez quoi ?