Une armada de médias, de la pub à gogo, des stars en veux-tu en voilà et Damien Chazelle. Tout était fait pour que ça marche. Et donc ? Ça marche ? A voir. Toujours est-il que moi, le narcoleptique cinéphile, j’en ai ras le bonnet de nuit de ces films qui durent des plombes.
Nous sommes à Hollywood dans les années 1920. On tourne à qui mieux mieux et la concurrence est rude entre les stars, les studios et les différents dealers de poudre. Dans ce contexte, on suit principalement trois personnages. Manny est immigré mexicain et rêve de bosser dans l’usine à rêves. Nellie est une jolie nana qui rêve de faire la belle devant la caméra. Jack est l’acteur à succès, sur de lui et de son pouvoir et il n’a plus de rêve vu qu’il le vit. Tout va bon train à vitesse grand V jusqu’à l’arrivée du parlant qui va rabattre les cartes comme chacun sait.
La séquence (presque) inaugurale est dantesque. 20 minutes de folie et de fureur dont un travelling signé Chazelle. Le ton est donné. Quel ton ? Celui d’un récit où l’excès est roi. Celui de Baz Luhrmann en fait, celui de Gatsby, Moulin Rouge et Elvis, et Dieu sait combien il est aussi jouissif qu’agaçant. On ressort de ce premier tunnel réveillé comme jamais et émoustillé comme après s’être gavé de fraises tagada. Deuxième tunnel de 20 minutes, sur la plaine pas loin de LA, on tourne 12 films à la fois dans une ambiance qui mêle euphorie, sueur, larmes et sang. Hallucinant. Ça fait une heure qu’on y est et si l’histoire n’a pas avancé, c’est parce que ce n’était pas le propos. Ni le moment d’ailleurs. Puis arrive le parlant et c’est un deuxième film qui commence. Moins percutant, celui-ci a nettement moins de choses à dire et l’évolution des personnages ne convaincra pas. Pourquoi ? D’abord parce que c’est du déjà vu. Si vous avez vu The Artist et Chantons sous la pluie, alors vous connaissez cette histoire et la version de Chazelle n’apporte pas grand-chose. Ensuite parce que ces personnages sont en carton. Ils manquent cruellement d’épaisseur et semblent, là encore, empruntés à d’autres films. Et pour cause, il ne sont que le prétexte au portrait du petit milieu et le liant entre des scènes à la force indéniable. Arrivé au bout du voyage (3h10!), on ne sait toujours pas où le film voulait en venir et la conclusion vite balancée est une pirouette facile et profondément décevante. Pour autant, on ne vantera pas suffisamment les mérites d’une interprétation habitée et charnelle de TOUT le casting (de Pitt et Robbie jusqu’aux plus petits rôles), la direction de tout ce beau monde est irréprochable. Pour autant, chaque séquence forte est en elle-même un moment de culte et une maîtrise parfaite de la mise en scène. Mais aussi belles soient-elles, toutes ces pièces de puzzle ne finissent pas par donner un ensemble cohérent à la sémantique forte.
En conclusion, ça marche ? Et bien oui. Malgré de grosses réserves sur le sens du projet, chaque séquence apporte son lot d’émerveillement et de drôlerie. Et c’est probablement comme ça que le film doit être vu. Pour le reste, on se matera à nouveau les films cités précédemment auxquels on ajoutera la fresque tarantinienne de Once upon a time in Hollywood.