Comment à partir d'une vidéo d'ébats personnels qui s'est retrouvée sur le net bien malgré les ébatteurs (je n'ai pas le droit aux néologismes ?), le réalisateur Radu Jude va montrer, en surlignant bien ostensiblement, en se faisant un malin plaisir à ne jamais être subtil (car son sujet ne l'est pas de toute façon, en conséquence se prête parfaitement à cela et y trouve même sa raison d'être !), que ce qu'il y a de plus dégradant dans la société, ce n'est pas la pornographie ; très loin de là.
Une fois passé l'introduction avec un contenu plus qu'explicite, qui ne se différencie pas de ce que l'on trouve en tapant les termes de recherche les plus utilisés sur Google, et avant une conclusion se permettant de proposer plusieurs fins différentes, dont une bien délirante, on a une division en trois parties peu traditionnelles (euphémisme pour dire "pas du tout" !).
La première suit la protagoniste vaquant à ses occupations, comme on le ferait vous et moi, dans la rue et les lieux fréquentés par le public. Bonjour pollution sonore, circulation étouffante, connards qui partagent partout où ils vont et où ils sont leurs goûts musicaux de façon à ce que tout le monde les entende bien, personnes qui expriment bien fort leurs opinions sans intérêt ou racontent leur vie qui l'est tout autant, conducteurs sans gêne qui bouffent les trottoirs avec leur véhicule, conflits qui naissent au sein des situations les plus banales, livres de religion qui côtoient le merchandising à la Disney, affiches électorales s’abîmant collées n'importe où, les publicités géantes qui agressent la vision au moindre coin de rue. Toute une pornographie que l'on côtoie tous les jours sans s'en rendre vraiment compte tellement on y est habitués malheureusement.
La deuxième se compose d'un dictionnaire nous donnant, à travers une longue série de substantifs classés par ordre alphabétique, un autre étalage de la médiocrité inhérente au monde ainsi que de la nôtre, notamment par le biais historique.
La troisième et dernière expose notre personnage principal faisant face aux conséquences de ses actes, à travers le jugement des parents d'élèves, puisqu'elle est prof. Parangons de vertu qui ne manquent pas une occasion de se rincer l’œil en le jetant sur l'infâme enregistrement de la copulation, blâmant l'accusée de tous les maux, lui reprochant de pervertir leurs enfants innocents (comme si leur quotidien et l'exemplarité de leurs géniteurs ne le faisaient pas déjà très bien, comme s'ils avaient besoin de leur prof pour connaître des sites demandant juste si on a bien plus de 18 ans !), tout en balançant des blagues salaces, des absurdités montrant une profonde connerie ainsi qu'une bonne dose d'hypocrisie. Le tout est accompagné d'une pincée d'homophobie, de racisme, d'antisémitisme et évidemment de machisme. À tout cela, la réprouvée oppose avec énergie la culture et la raison face à un auditoire ne croulant pas sous ces dernières.
Comme je l'ai dit auparavant, la démonstration se fiche comme d'un préservatif usagé de la subtilité, ce qui ne la fait que la rendre plus efficace et percutante. Non, la pornographie n'est pas l'aspect de la société le plus obscène. Il y en a des milliards d'autres nous apparaissant comme un peu trop normales qui le sont nettement plus. Et non, ce n'est pas la chose la plus immorale. Si tant est que cela le soit, car il n'y a rien de condamnable chez deux êtres majeurs et consentants faisant l'amour (hors adultère !).
Oui, il y a quelques particularismes bien du pays de Ceaușescu et d'Antonescu dans ce catalogue fièrement outrancier, mais ne pas y voir un miroir de nous-mêmes et de notre environnement, d'où que l'on soit, ne ferait que mettre en exergue que l'on est soit aveugles, soit dans le refus de se regarder en face.