Baisers volés par J. Z. D.
Il y a peu de choses qui me dépriment autant que de devoir réécrire ; plus aucune phrase ne semble avoir de sens, tout parait gris, triste et vide comparé à la beauté perdue – et surtout souvent simplement rêvée. Je ne me souviens plus du début, et je suis incapable d’en retrouver le moindre morceau. Je voudrais simplement oublier ce film, le laisser sombrer avec sa précédente critique et ma bonne humeur, hélas, tout ça est impossible : au fond, je sais que je dois malgré tout vous en parler d'une manière ou d'une autre.
Oh, évidemment, si vous pensez que ça ne vaut qu’à peine un six, je n’ai rien à ajouter ; mais je garde l’espoir de rencontrer des âmes vierges de préjugés prêtes à se laisser emporter dans cette merveilleuse aventure. Il fallait la voir se dérouler face à tous mes yeux, qui n’étaient que deux et qui pourtant la dévoraient comme mille. Longtemps, souvent, on m’avait dit « Quatre-cents coups ! », « Truffaut, Léaud ! » mais je n’écoutais qu’à peine, les véritables conseils sont ceux motivés par une passion secrète. Il faut trouver les mots pour créer l’envie, et pour moi ce fut on ne peut plus simple « Détective privé » ! Oh, je vous épargne tout de suite mes rêves déçus, ma carrière avortée, de détective, ça n’avait plus d’importance à cet instant ; ma passion enfantine venait de retrouver le goût du jour.
Forcément – « Evidemment », « Merveilleux », moi aussi, je me mets à déclamer ! –, c’est joué comme de la Nouvelle vague, tout est récité, c’est chic, c’est théâtral diront les uns, c’est horriblement mal joué leur répondront les autres ; c’est peut-être seulement comme ça qu’on parle vraiment d’amour. A ce moment du film, on a déjà perdu quelques spectateurs, le début n’est pas ce qu’il y a de mieux, avouons-le, Antoine Doinel se fait virer de l’armée où il s’était engagé sans raison « pour une fille, j’imagine ! » et le voilà perdu dans la vie civile et active. Le temps de retrouver son ancienne petite amie, il se met en recherche d’un travail.
Ce film est incroyablement drôle, on sourit tout le temps, c’est plein de vie – j’étais passablement bouleversé par le film d’avant, ça peut jouer – les dialogues sont vifs et drôles, la caméra s’amuse jusque dans ses mouvements, et je ris, vraiment, tout seul, d’un journal à l’envers, de l’emballage d’une boite de chaussure. Ce film est beau, aussi, dans sa manière de filmer, évidemment, dans ses acteurs – quand même – et dans son amour, pour la vie, pour le cinéma, pour la littérature, et pour les femmes, c’est évident, et on n’imagine pas parler d’une femme autrement que par une profonde tirade déclamée au bureau, quel chic, cette même femme qui se glisse au petit matin et qui parle si naturellement du Lys dans la vallée. C’est exactement le genre de film qui m’emporte, qui m’invite à sourire et à aimer, et quand l’ambiance se tend en une répétition frénétique, je suis incapable de quitter du regard ceux reflétés dans le miroir.