Un film en-dessous des Quatre Cents Coups, porté par un Antoine Doinel plus lisse que dans le premier film. Étrangement, j’ai senti un air hébété chez lui, que je n’avais pas trouvé dans son enfance. Dans le premier film, Antoine est un garçon qui gagne notre compassion, se débrouillant et avançant comme il le peut dans un environnement familial et social qui ne lui donne que peu de chances de “réussir”. Jeune homme, il m’a laissé au mieux indifférent, ou m’a agacé.
J’ai senti aussi que Truffaut avait donné davantage de liberté à son acteur qui semble improviser et sonne souvent faux. On me rétorquera que c’est le souffle de liberté de la Nouvelle Vague, ce qui ne me le rendra pas plus sympathique pour autant. De même, sa relation avec Christine est aussi assez malaisante (le vouvoiement, la présence des parents) et m’a semblé peu crédible.
Ça vouvoie avant le sexe et ça explique ensuite comment étaler le beurre…
La photographie est propre, mais filmer la Tour Eiffel ou le Sacré Cœur plaira aux Américains mais ne rendra pas un film automatiquement esthétique. La ficelle est trop facile et est trop usée ici. Quelques scènes sont dispensables aussi comme les scènes autour du prestidigitateur. Et le zoom dégueulasse, c’était pas nécessaire non plus.
Je lis ici que le film est très drôle : je n’ai pas ri une seule fois. Pourtant, les Quatre Cents Coups était un film drôle et dramatique. Dans Baisers volés, les blagues tombent souvent à plat, ou la situation est trop forcée (la scène de l'embauche avec les boîtes à chaussures). Le jeu gêné et englué d’Antoine aurait pu être comique en lui même, mais ce n’est pas le cas.
Ce qui m’a intéressé au final dans ce film, c’est ces histoires de détectives privées qui travaillent sur les moralités d’un Paris qui se libère des carcans d’avant-guerre, ou bien les moments où Antoine parle de Madame Tabard, hypnotisante et presque vraiment irréelle pour le coup, voire même fantasmatique. Au travers de ses gestes, de sa voix magique et de sa posture élégante, se dégage une grâce telle que le mot “d’apparition” semble en effet le plus approprié pour épouser les contours de cette femme qui disparaît de la vie d’Antoine aussi vite qu’elle est apparue. La scène du miroir est à cet égard intéressante : à mesure qu’il assène son prénom et son nom, on se demande ce qu’ils tiennent de réel.
Et à la fin, le film a le mérite de montrer que c’est toujours la réalité qui triomphe : le couple bancal et gênant dont j’ai parlé plus haut, avec notre mièvre Christine, mais tellement plus conventionnel.
Pas très Nouvelle Vague tout ça…