Avec un ami on aime bien commencer les critiques par les raisons qui nous poussent à se rendre à ce film plutôt qu'un autre. Ici c'était limpide; le réalisateur. Ses deux premiers films m'ont tellement retourné que le troisième était attendu avec impatience mais aussi un peu d'appréhension. Quand on porte aux nues un réalisateur, on a toujours peur qu'il trébuche et nous déçoive.
Mais "Beau is afraid" ne déroge pas à la règle, à nouveau Ari Aster se faufile entre les genres pour créer le sien. Il nous présente ici la culpabilité en remixant angoisse, incompréhension, poésie et situation absurde. Comme si Quentin Dupieux avait fait un film avec David Lynch: quand l'incongru rencontre l'angoisse. L'ensemble est emprunt d'un certain onirisme, on ne peut le nier mais comme il est dit dans le film " ce n'est pas un rêve, c'est un souvenir". On revisite le passé, les traumas, le poids d'un héritage famililal trop lourd au point de transpirer dans le quotidien de Beau. C'est souvent angoissant, c'est parfois étrangement drôle et c'est par moment exprimé de façon très poétique, on en jurait s'être perdu dans un Gondry.
Les trois heures n'étaient cependant pas nécessaire. Les montées progressives vers le climax, à force de s'enchaîner, perdent en intensité. Mais on ne peut que s'émouvoir devant ce personnage rongé par la culpabilité, à l'allure et aux tons de voix enfantins. Quoiqu'il fasse, les conséquences sont désastreuses, ses actions et ses paroles incomprises et le monde qui l'entoure finit invariablement par lui devenir hostile, tout cela interprété par le magistral Joaquin Phoenix qu'on ne présente plus; l'acteur qui même s'il n'a plus rien à prouver continue de nous épater et nous surprendre.
On reprochera donc certaines longueurs, dans le dernier tiers particulièrement. Dans le cadre d'un récit non linéaire, c'est la porte ouverte au décrochage. Contrairement à ses précédents films, on pourrait également reprocher une métaphorisation un peu simpliste des thématiques abordées (complexe d'oedipe, relation parentale toxique) mais tout cela ne gâche en rien le talent d'Aster ni de Phoenix. En trois films, on sent une maîtrise impeccable et les reproches que l'on peut adresser au film tiennent plus de choix conscients et assumés que d'erreurs ou d'impaires non volontaires.