→ Quantième Art
Après avoir fait plusieurs fois la démonstration par le vice de ce qui pousse l’homme à la luxure, & pressentant peut-être la perte de vitesse dans le registre de la comédie grinçante, Germi a tenté d’en faire cette fois la démonstration par la vertu. C’est-à-dire que, supplantant Tognazzi à Mastroianni, il change de traitement mais pas de sujet : ce “beaucoup trop”, très vieille école, désigne toujours les femmes, car entre la sienne & deux maîtresses, le pauvre homme se mord les ongles & se fait ronger d’ulcères.
C’est donc un homme anxieux & pathétique qui avoue ses torts & sa faiblesse à un homme d’église, lequel on se dispense pour une fois de tourner en ridicule ; pour le cinéma italien, c’est tout ou rien, & l’on mettra ici en scène un religieux à l’écoute, strict mais ouvert, soucieux de soulager quoiqu’également d’enseigner la vertu. Sous sa coupe, Tognazzi devient … mignon.
Mis sous pression par son rythme de vie partagé entre deux familles & demi, c’est un père plié en quatre & un mari qui ne fait pas les choses à moitié, pourtant le ton est toujours comique : ses 27 appels quotidiens, ses erreurs dans les anniversaires, tout ce qui le dépasse témoigne du soin apporté par le réalisateur à nous simplement distraire, toutefois comme d’habitude son discours est moral, & bien malin qui saura s’amuser du film sans s’attacher inconditionnellement au personnage infidèle & menteur de Tognazzi, ni prendre le drame de la vie de cette homme à la rigolade.
Car le bougre fait tout de même tout ce qu’il dit : rien de faux ne sort jamais de sa bouche, & c’est l’omission qui finit par lui devenir insupportable – lui qui rêvait de réunir ses familles, imaginant naïvement qu’aimer vraiment toutes ces personnes pourrait suffire à les faire marcher main dans la main. Définissant le polyamour sans le faire exprès, Germi retire en fait toute faute morale & religieuse pour les remplacer par une moralité purement émotionnelle qui lui sert à nous frapper avec la fin : peut-on reprocher autre chose au personnage que de devoir manquer à tellement de gens lors de sa disparition ?