Malgré sa démesure hollywoodienne, ce film reste cependant, de façon évidente, une pièce de théâtre (adaptation d’Anouilh). Les décors ont beau être spectaculaires, on a toujours l’impression d’être devant une scène : l’action n’avance que par les dialogues, et les personnages ne se taisent jamais. Ce n’est pas du cinéma.
Mais la pièce passe-t-elle la rampe ? Elle repose souvent sur des antithèses quelque peu simplistes et sans cesse répétées, tout particulièrement l’opposition entre Saxons et Normands. La conversion de Beckett elle aussi est représentée sans nuance : on aurait pu montrer parfois l’archevêque moins dévoué à la religion que désireux d’augmenter son nouveau pouvoir.
Reste la performance des acteurs. Richard Burton est très décevant, compassé et sans nuance à partir du moment où son personnage découvre sa vocation religieuse. Il semble avoir confondu avoir l’air inspiré et avoir l’air constipé.
Quant à Peter O’Toole, il surjoue souvent, dans une performance encore une fois plus théâtrale que cinématographique, mais il reste néanmoins impressionnant, et parvient à camper un personnage complexe, à la fois attachant et cruel et tyrannique, qui ne tient pas en place, et ne peut pardonner à Beckett le fait que lui-même ne puisse s’empêcher de continuer à aimer son ancien ami devenu rival politique. Cet Henri II donne l’impression d’être un roi resté enfant ; mais qui voudrait être sous le pouvoir d’un enfant tout puissant, attaché à son seul plaisir ? Or la conversion de Beckett, l’ancien organisateur de ses plaisirs, en fait un roi sans divertissement, et donc malheureux. « Je dois apprendre à vivre seul », dit-il à un moment. Cette performance sauve à elle seule un film autrement sans surprise.