Après l'émerveillement suscité la veille par le visionnage du si touchant La visite de la fanfare, voilà que se perpétue le cercle vertueux avec cette pépite venue tout droit d'Islande.
Le synopsis aurait pu me faire croire à une comédie gentiment loufoque, mais il n'en est rien, ou presque. Bien sûr, les épisodes cocasses autour de ces deux frères à couteaux tirés ne manquent pas, mais on est saisi de ce sourire qui pourrait bien vite basculer dans les larmes, une sorte de joie mélancolique, difficile à exprimer.
La raison est à chercher du côté du traitement tout en pudeur des sentiments, à une gestion au millimètre des émotions, à l'intensité que revêt le silence et aux visages émouvants de ces gens simples qui vivent de peu mais foncièrement heureux.
Ce film est bien plus qu'une histoire de famille et de conflit - d'ailleurs, nous n'avons que peu de détails sur la nature de ce qui oppose Kiddi et Gummi. Le film est un prétexte pour évoquer de nombreux autres sujets tels que la vie rurale des petits éleveurs contemporains, soumis à toujours davantage de normes et de contrôles de la part d'instances dont ils se méfient; il est aussi une mise en lumière de toute beauté des paysages islandais, un conte philosophique sur la solitude bien vécue et sur la sobriété heureuse d'un quotidien où le dénuement matériel est une richesse d'âme.
Tout comme La visite de la fanfare, Béliers est un film renversant d'émotion qui nous met face à des moments d'humanité, parfois embarrassants, mais qui ne peuvent que susciter notre empathie. Ici, plusieurs scènes sont marquantes et ce scénario qui met face à face deux frères et 40 ans de silence occasionne des instants d'anthologie, qui hésitent entre comédie et drame.
Ainsi de cette scène de Noël si particulière, le frère (miraculeusement) divin enfant affalé sur le canapé, ou ce tracteur qui trace sa route avec un chargement bien particulier dans sa pelle, ou ce chien-facteur si adorable, ou encore fauteuil en velours installé à côté des moutons...
Béliers est un film d'amour qui ne dit pas son nom : amour des hommes pour leurs bêtes avant tout (il faut voir la violence de l'obligation de l'abattage pour comprendre ce que vivent parfois nos éleveurs lors d'une crise sanitaire...), la tendresse qui unit ces animaux laineux et placides à leurs maîtres depuis toujours et qui font leur fierté... Il y a la fraternité qui unit les habitants du coin, solidaires et chaleureux, et puis bien sûr cette affection tue pendant si longtemps entre ceux qu'on imagine des jumeaux..
La scène de fin, à laquelle seule un réalisateur scandinave aurait pu penser (et qui m'a d'ailleurs beaucoup rappelé le final de Submarino de Vinterberg pour son côté presque christique, virginal, innocent, si poétique...) achève de nous dire à quel point nous avons face à nous un pur diamant du 7ème art, dont le doux éclat ne peut que nous toucher en plein coeur.