En 1951, Visconti remettait le cinéma en question, un geste impitoyable six petites années après la fin d'une guerre que le média avait beaucoup contribué à faire oublier dans une Italie remplie de culpabilité. Difficile d'imaginer que Bellissima pouvait véritablement distraire à l'époque (sinon les spectateurs les moins politisés), mais pour une fois la verbosité braillarde de Cinecittà se révèle entièrement à propos quand elle vient d'une Anna Magnani en mère paradoxale.
Prête à soulever des montagnes pour que sa fille devienne actrice, elle pourrait tout raser sur son chemin mais se soumet volontairement au système. Pour quoi, au final ? Assurer l'avenir de son enfant ? On dirait plutôt qu'elle la jette dans la gueule du loup. En vérité, en dépit de son abnégation et de son amour pour sa fille, elle n'est plus une mère : elle fait tout pour elle-même, pour sa propre fierté et afin de réparer la misère de sa propre vie. Elle veut que sa fille soit une star pour être une mère de star.
L'enfant, traînée dans une foule d'adultes dont elle ne comprend rien des préoccupations, est objectifiée, ce qui est d'autant plus beau à voir que Visconti ne cessera jamais de considérer la jeune actrice comme telle, non comme une chose (même si son interprétation est sous-utilisée, mais c'est l'époque qui veut ça).
Le moment du lâcher-prise de la mère survient lorsqu'elle dit non au cinéma, or c'est seulement à cet instant qu'elle résout ses paradoxes et se met à agir réellement pour le bien de sa fille. Un choix fort qui confirme à quel point Bellissima est fondamentalement anti-Cinecittà, et qui n'aurait pas pu trouver mieux que la géniale anti-actrice pour le faire comprendre.