Bernadette
5.9
Bernadette

Film de Léa Domenach (2023)

Souvenez vous de la chance que vous avez eue de m'épouser

Après avoir trouvé ce DVD par hasard, je me demandais bien à quoi allait bien ressembler ce film sur l'ancienne première Dame, Bernadette Chirac. Son image m'avait été façonnée par quelques années de "Guignols de l'info" où elle était brocardée en tante Bernie avec ses pièces jaunes et son énorme sac à main, sa coiffure, son air acariâtre et revêche face à son mari, plutôt du genre sympa ("Mangez des pommes"). Et j'avoue que je m'attendais au pire …

Mais comme on dit, "le pire n'est jamais certain" et ce fut une belle surprise que de découvrir ce film d'une certaine Lea Domenach que je ne connais pas. La cinéaste fait dans la finesse et se contente de retracer le parcours d'une femme, dans l'ombre de son mari par devoir et par tradition, qui cherche à exister et à sortir de son image ringardisée. En parvenant à "exister", elle devient la "personnalité politique préférée des français" et, paradoxalement, un atout pour son mari. La cinéaste a, avec une belle maîtrise du chemin escarpé et casse-gueule du biopic, évité de tomber dans la grosse farce façon "Guignols" d'un côté, dans le panégyrique béat ou encore le règlement de comptes, de l'autre côté.

Est-ce que pour autant, la vérité est au rendez-vous ? Je ne sais pas et la méthode employée par Léa Domenach de parler d'abord de la femme et de ne pas interférer plus que nécessaire dans la fonction présidentielle, laisse quelque latitude pour revisiter cette période de la vie politique.

D'abord, les personnages ne ressemblent que vaguement aux personnages réels. En revanche, on reconnait sans peine les gens à leurs mimiques, leur façon de parler, leur comportement, …

Catherine Deneuve interprète le rôle finalement assez complexe de Bernadette Chirac. Alors qu'habituellement, j'apprécie modérément l'actrice, je dois avouer qu'elle a réussi son affaire et est ici convaincante dans le lent passage de l'ombre à la lumière du personnage. Ce qui est particulièrement convaincant, c'est que le personnage n'occulte rien de sa réalité, de sa situation de femme ringardisée, à tort ou à raison. Et son conseiller en communication ne lui cache rien non plus. Ce dernier (interprété par un excellent Denis Podalydès) se trouve devant un diamant brut qu'il faut extirper de sa gangue et le fait avec finesse.

Jacques Chirac est interprété par Michel Vuillermoz qui reproduit bien ce qu'on devine de l'homme politique impulsif, viveur et finalement très vulnérable au milieu de ses courtisans (scène très réussie de la fameuse "dissolution") … Je dirais aussi que Lea Domenach n'est pas si sévère à son égard. J'en veux pour preuve que le "taisez-vous" que Chirac transmet à sa femme par un petit papier (dans le film) a, dans la réalité, été assené à haute voix devant toute la famille politique…

Claude, la fille de Chirac et sa conseillère, est interprété par Sara Giraudeau. J'ai bien aimé son personnage omniprésent à la fois survolté et "pas de vagues".

La famille de la droite est délicieusement traitée. De Villepin ("Monsieur le stratège") est interprété par François Vincentelli (que je ne connais pas) ; il reste toutefois moins spectaculaire que Thierry Lhermitte dans "Quai d'Orsay"). Celui que j'ai bien aimé c'est Laurent Stoker, assez génial dans le rôle truculent de Sarkozy avec son aspect mielleux ou insolent (la séance de dédicace est un petit bijou).

En bref, en ponctuant le film de la présence du chœur façon "antique", Lea Domenach est restée dans un registre de la comédie avec une analyse fine et acidulée des personnages.

Quand, au bout de 90 minutes, arrive la fin du film, on a le sourire aux lèvres d'avoir passé un, inattendu mais bienvenu, bien bon moment.


JeanG55
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le 28 mai 2024

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