Il faut que nous parlions de l’ouverture de Bernard et Bianca au pays des kangourous : en une petite minute de générique, celui-ci aura fait déjà mieux que La Petite Sirène dans sa totalité... et le meilleur était encore à venir. Non content d’être visuellement « happant » et quelque peu audacieux, cette projection mémorable jusque dans la chambre de Cody, j’ai nommé le gamin que ne manquera pas de rendre n’importe quel autre gamin envieux au possible (ce fut mon cas tout du moins), s’ensuivra d’une longue introduction réjouissante.
Un accueil proprement royal en somme, l’attachant aventurier nous conviant au sein d’une excursion renversante à souhait, le long-métrage faisant l’étalage de sa palette technique avec une maestria rare : le sauvetage, la chute puis le long vol constituent une séquence nous en mettant plein les mirettes fort de la splendeur de Marahuté, sa grâce du mouvement et la fluidité globale d’une animation irréprochable, le souci du détail de décors usant savamment du numérique... franchement, quelle démonstration !
Tandis que son aîné m’avait cruellement laissé sur ma faim, que dire si ce n’est que ce périple australien l’aura supplanté sans sourciller : car outre une composante formelle à tomber, Down Under se fendra d’un divertissement on ne peut plus efficace de bout de en bout, et qui en dépit de quelques menus défauts m’aura avec un brio rare catapulté tout droit en enfance. Véritable proposition de cinéma, le récit fait montre d’une générosité telle que nous pourrions d’ailleurs presque la qualifier de « trop riche », avec cette myriade de figures secondaires et une science du rythme emballante comme pas deux.
Mais à l’image d’un McLeach pourtant en deçà des antagonistes phares de la longue filmographie Disney, son écriture et sa personnalité n’illustrent que trop bien l’efficience du tout : une gueule et une présence somme tout marquantes, une profondeur suffisante (on jurerait déceler un semblant de complexe) et, surtout, un sbire hilarant comme ridicule par l’entremise de Joanna. Le long-métrage va ainsi prendre le temps de rendre bien compte de leur relation, en l’exergue pas seulement placée sous le joug d’une dimension « maître-exécutant » unilatérale, le tandem accouchant notamment d’une séquence burlesque drôle, simple et donc efficace (chapardage en pagaille).
Dans le même temps, ceci abonde également dans l’idée que Down Under peut faire preuve de maladresses, heureusement en rien rédhibitoires mais tout de même : comment expliquer en ce sens que McLeach, dont l’objectif premier demeure la richesse, ne récupérerait pas par la même occasion les précieux œufs ? Au contraire, celui-ci se contredit un peu en soulignant fort bien l’adage « donner de la confiture aux cochons », mais gâter de la sorte son varan ne se départage pas d’une certaine cohérence : car aussi dur soit-il, l’amour vache n’a-t-il pas ses raisons que la raison elle-même ignore ?
Quitte à titiller pour de bon notre suspension consentie de l’incrédulité, le long-métrage aura plutôt la main lourde en ce qui concerne quelques séquences de haute voltige, à l’image de cette petite session d’escalade aussi improbable qu’impressionnante (et Bernard qui remonte Cody à la surface, quelle prouesse) ; l'atterrissage mouvementé de Wilbur n’est également pas en reste, Jake élaborant en un tour de main un engrenage des plus capillotracté, tandis que nous pourrions nous interroger quant à l’utilité de « l’opération » que subira contre son gré l’infortuné albatros par la suite.
Disons que Down Under paye un peu le prix de son inventivité débridée, au point d’ailleurs de ne pas suffisamment capitaliser sur de rares interstices plus apaisés, et donc de sacrifier en tout en partie une composante poétique qui aurait parachevé le tableau... tableau se concluant d’ailleurs en laissant pour compte les compagnons de cellule de Cody, un choix curieux au demeurant. Pour le reste, cette toute première suite d’un long-métrage d’animation Disney est une pépite osée comme inespérée, dont les tenants dépaysants, drôles et immersifs forment une évasion dans les règles de l’art : de quoi faire la moue au regard de ses résultats insuffisants au box-office, énième paradoxe de la prise de risque non récompensée... que c’est frustrant !