Les Aventures de Bernard et Bianca n’est peut-être pas le film d’animation Disney le plus vivace dans les mémoires (et c’est bien dommage), mais il a été en son temps (1977) une étape importante dans le développement des productions du studio.

L’arrivée d’une nouvelle direction dans une décennie où les films d’animation Disney n’ont plus la cote offre un nouvel appel d’air, permettant l’arrivée de nouvelles idées et de nouveaux projets. Quitte à bousculer quelques traditions. Car avec Bernard et Bianca au pays des kangourous pour la première fois un long-métrage animé de la compagnie allait avoir sa suite et ce au cinéma.

En dehors de l’exploitation commerciale d’une licence vaillante, pratique qui se poursuivra dans la décennie suivante en envahissant la télévision et les vidéoclubs, il faut reconnaître que le charmant premier film dévoilait un univers perméable à un développement. Cette société secrète et internationale de souris, relecture mignonne et rongeuse de l’Organisation des nations unies, mais avec plus de coeur : dès qu’une injustice leur est remontée, ils envoient leurs agents, et c’est bien évidemment Bernard et Bianca qui partent à la rescousse.

L’enfant à sauver est ici Cody, jeune Australien volontaire, aventurier des grandes étendues locales et rocheuses et qui a le coeur sur la main, un bel exemple de figure pour lequel les enfants s’identifieront, les parents moins devant cet enfant qui gravit falaises et surmonte de nombreux dangers en toute indépendance. Cody est longuement présenté dans l’introduction, démontrant sa différence face à l’effacée Penny du premier volet. Cette suite s’accompagne d’ailleurs d’un fonds écologiste moderne assez appréciable, alors rare chez Disney, invitant à apprécier la beauté de la nature et à la défendre face aux méfaits d’humains moins sensibles.

La grande menace est ici incarnée par un braconnier, McLeach, qui ne laissera pas un grand souvenir, contrairement à son acolyte, Joanna, grand lézard obsédé par les œufs, élément avant tout comique de l’histoire. Ce chasseur hors des clous est obsédé par la recherche d’un nid d’une aigle d’Australie majestueuse, pour qui Cody a une évidente admiration. Marahute est ainsi représentée avec une grande solennité, comme symbole presque mythique de cette faune sauvage à préserver.

Le ton est donc à l’aventure, dont les inspirations semblent aller d’Indiana Jones à Crocodile Dundee. L’un des nouveaux protagonistes est d’ailleurs Jake, rat-kangourou aventurier, qui n’est pas insensible au charme paisible de Bianca et va le faire savoir, sous les yeux de Bernard.

La relation complice et douce de Bernard et Bianca était l’un des points forts du premier volet, une délicate construction où les sentiments s’inséraient, avec une grande pudeur. Pour cette suite, les sentiments de Bernard sont maintenant évidents, encore faut-il les exprimer. Et lui le petit « rat des champs » ne se sent pas vraiment à sa place dans ce nouveau décor et encore moins face à l’assurance et au charisme aventurier Jake. Il va devoir s’assumer et le faire savoir, un développement intéressant à suivre.

Même si l’aventure n’est jamais loin, notamment lors de scènes aériennes ou véhiculées riches en moment vitaminés, ce nouveau volet n’oublie donc pas ses deux personnages, toujours aussi charmants, même si un peu plus en retraits, notamment à cause de Cody qui occupe plus de place que Penny. L’humour n’est évidemment jamais loin, que ce soit dans les réactions de Bernard face à ce nouveau cadre ou dans les personnages secondaires, à l’image de cette Joanna et la scène du vol des œufs, ou de Wilbur, le nouvel albatros du film, moyen de transport, ami et soutien, mais qui sera aussi la victime d’une scène assez drôle dans un hôpital de rongeurs.

En dehors de ses qualités narratives et de ses petits effets comiques ou touchants, si Bernard et Bianca au pays des kangourous est important dans l’histoire de Disney ce n’est pas seulement parce qu’il est une suite, mais parce qu’il marque aussi une étape dans la production de leurs longs métrages animés. Les personnages, l’animation et les arrières-plans sont encore réalisés à la main, mais la colorisation et le montage se sont faits sur ordinateur. Certaines scènes ont même réalisées numériquement, comme le vol de Wilbur, et la fusion entre cette animation traditionnelle et une modélisation sommaire en 3D est tout de même bien intégrée, même si visible avec un peu d’attention. Le numérique permet alors de réaliser des scènes plus spectaculaires, bien utile pour suivre l’orientation plus aventureuse de ce titre.

Le résultat de cette nouvelle méthode de fabrication est assez indolore pour le public (ce sera moins le cas pour les premières productions Disney entièrement numériques) car le film garde cet enchantement visuel assez caractéristique, témoignant du talent des artistes impliqués. L’Australie est traitée à sa juste (dé)mesure avec ce titre, avec sa nature rocailleuse et ses falaises gigantesques, mais aussi la vie qui l’habite, hélas convoitée par le braconnier. Marahute en vol est d’ailleurs une belle prouesse technique d’animation, virevoltant dans les airs, ses ailes battant la mesure. Et il y a aussi tous ces petits détails très Disney, que ce soit dans certaines animations, mais aussi dans le monde minuscule des souris, hélas trop peu aperçu, dont un restaurant miniature petit en taille mais fort en fantaisie, parfaitement inséré dans le monde des humains.

Pour autant, malgré tous les efforts entrepris, si le film a initié certaines pratiques (et dérives) chez Disney, il faut lui reconnaître que Bernard et Bianca est une suite amusante et rythmée, mais qui reste en dessous de son modèle original. C’est un nouveau volet qui veut taper dans l’oeil, qui veut épater, et qui y arrive. On ne s’y ennuie pas. Mais l’adorable duo de souris disparaît un peu derrière la grosse machine et avec elle une certaine identité, une certaine tendresse. Il est donc difficile d’en faire le deuil pour qui a apprécié le premier volet pour cette raison.

Une suite de suite (soyons fous) aurait peut-être pu réparer cette mécanique délaissée mais le film fut un échec commercial, éclipsé par le raz-de-marée de Maman, j’ai raté l’avion ! sorti le même jour. Heureusement les productions Disney suivantes allèrent marquer leur temps et avec quel brio.


SimplySmackkk
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le 19 sept. 2024

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