Dupontel, avec son premier sketch dans une émission de Patrick Sébastien, gagna mon amour éternel. Il s'agissait de Rambo. Si c'est le titre du sketch, il parle en réalité du second film. Comme ce sketch fût bientôt suivi d'encore plus fort, plus trash et vilain (comme par hasard) mais surtout complètement louftingue, le monsieur reçut toute ma reconnaissance pour ces éclats de rire jouissivement grinçants.
Après une trop courte série courte et quelques apparitions canalplusesques grande époque (notamment sa première météo dans Nulle Part Ailleurs) et quelques courts, Albert D. revenait avec un film. Bernie.
Si je pensais rire aux éclats (et ce fût parfois le cas), je souriais plutôt. D'un sourire malade, je jubilais intérieurement. Un artiste et un auteur. Je ne m'étais pas trompé dans mon affection pour le bonhomme dont j'appréciais aussi certaines prises de position où certaines réactions à chaud.
Bernie, cet orphelin survivant d'un holocauste familial, qu'il provoquera finalement lui-même, est d'abord un doux dingue à côté de la plaque. Il se transforme peu à peu en un dingue beaucoup moins doux. A la recherche de sa vérité. Dangereuse inadaptation.
Le casting, aux petits oignons, donne une vraie réalité à tous ces personnages mentalement, socialement et existentiellement dérangés. Mentions spéciales à Hélène Vincent et Roland Blanche. La mère hardcorement indigne bien planquée derrière le reflet de la Le Quesnoy. Et le père qui fait rien qu'à enculer les filles.
Et puis déjà Nicolas Marié. Un comédien Ferrari sous-estimé, dont Dupontel réussira à extraire toute la force comique (particulièrement dans Enfermés Dehors et 9 Mois Ferme), puisqu'il deviendra un habitué des tournages du réalisateur.
Si la mise en scène doit encore être travaillée, les débuts de Dupontel derrière l'objectif sont plus que probants. Une bonne part d'inventivité ne gomme pas certains défauts inhérents aux premières oeuvres (même si Dupontel s'était formé par des courts-métrages, notamment le remarqué et remarquable Désiré). Ceci dit il s'agit de tatillonnage tant le ton acide de ce conte sec et urbain touche au cœur.
Malgré l'absurde et la méchanceté des bonnes comédies italiennes d'antan, il s'agit aussi d'une histoire d'amour. Plutôt unilatérale jusqu'à ce que... La découverte de Claude Perron, la petite amie sociopathe et camée. Roméo et Juliette désaxés, les amants maudits des banlieues zonardes.
A l'époque lorsque j'autoproduisais des mixtapes éclectiques... Oui je faisais des compils sur cassette vierge... J'avais pris l'habitude d'intercaler de courtes répliques de films entre les morceaux. L'extrait de Bernie fût mon plus long. Le rêve de Bernie, grand moment d'une drôlerie bien glauque. Non, il n'a besoin de rien lui. Saut à la perche mental et permanent. Scotché le pauvre garçon.
Dans la droite ligne des spectacles des débuts, Bernie est une oeuvre lunaire. Albert Dupontel crée plus qu'une galerie de personnages, il partage aussi son univers trashy plein d'humanité... Et les rebuts de celle-ci.
EnCulterie !!!