Bienvenue à Gattaca souffre du même problème que Daybreakers, sorti huit ans plus tard; outre le fait qu'ils partagent Ethan Hawke dans le rôle titre, ces deux films dystopiques fascinent dès l'établissement de leur univers cauchemardesque et déçoivent une fois l'élément perturbateur arrivé. Si Daybreakers perdait en profondeur en stoppant complètement le développement de sa société, Gattaca aura au moins le mérite de se servir de son enquête policière pour appuyer la gravité de la situation.
Bémol, c'est qu'il s'enfermera trop brièvement dans cette partie d'investigation, ce meurtre sortant de nulle part donne l'impression de n'être présent que pour propulser l'intrigue en avant, que pour provoquer ce fameux élément perturbateur évoqué. Gérée un peu n'importe comment, elle se conclue avec une facilité déconcertante, laissant une drôle d'impression useless au spectateur.
Elle ne sert finalement à rien d'autre que faire avancer le temps et donner de l'épaisseur à une conclusion d'une beauté irréprochable, évitant le piège connu par Daybreakers qui se concluait de manière trop optimiste et sans n'avoir plus développé son univers depuis la fin de sa première partie. Outre cela, l'écriture semble plutôt irréprochable et développe ses thèmes de manière complète, approfondie et pertinente, laissant une importance singulière à la réflexion du spectateur.
S'y opposent humanitude et science, humanité et perfection, et s'il est possible de faire évoluer l'homme, de rendre sa vie "meilleure" aux vues des critères de la société (richesse, formes physique et mentale irréprochables), doit-on réellement le faire? N'y-a-til pas là un problème d'éthique, voire de bio-éthique? La recherche de la perfection propre à l'homme moderne justifie-elle de discriminer, de rejeter, de mépriser?
On pourrait y voir une métaphore du rapport caricatural entre riches et pauvres qui, sous couvert de beaux costumes et de cravates impeccables, toisent avec mépris les couches les moins aisés de la population. Pourquoi ne pas y voir aussi une relecture de l'habitant recevant une quelconque immigration dans son pays, ajout de population destiné aux tâches les plus durs pour des salaires souvent amoindris.
Vous l'aurez compris, Bienvenue à Gattaca profite d'une écriture riche et profonde, et vous offrira la possibilité d'y réfléchir des heures durant, voire d'en débattre avec les personnes de votre choix. Ecrit avec talent, il est aussi parfaitement interprété : que ce soit Hawke et Jude Law dans les rôles principaux ou Uma Thurman et Xander Berkeley dans des rôles secondaires tout aussi essentiels à l'intrigue, Gattaca brille aussi par la qualité de son casting de qualité.
Réalisé sobrement, il remplit son contrat sans trop en faire, sa mise en scène sachant s'effacer pour laisser libre cours à l'imagination du spectateur, se faisant discrète jusqu'à la scène finale d'une justesse d'orfevre, magnifique voyage étoilé vers des contrées inconnues. S'il aura fallu attendre deux heures pour s'envoler avec notre protagoniste, s'il aura fallu être déçu par une moitié de film égarée, nul doute que l'attente valait le chemin et que le voyage final touche en plein coeur. Très beau film dystopique, Bienvenue à Gattaca se pose comme une référence du genre, sans n'avoir jamais volé les qualités qu'on a pu lui attribuer.