Dans Bird, Andrea Arnold (3 fois lauréate du prix du jury du festival de Cannes) filme à hauteur d’adolescents les cellules familiales désaxées et tordues où ce sont des enfants qui élèvent d’autres enfants à travers une Angleterre glauque et délabrée.
Le cinéma d’Andrea Arnold est construit sur des sensations plus que sur des narrations. Sensations viscérales de la poisse et du marasme des vies minables d’adultes douteux et sensations végétales et minérales de la vitesse et maturité d’enfants sacrifiés, guettant un regard, une sécurité, un espoir dans le chaos de ces si peu adultes qui ni ne les élèvent ni ne s’en occupent.
Au milieu de ce cloaque aux allures de Kids de Larry Clark ou de Gummo de Harmony Korine, un père Bug (toujours incroyable Barry Keoghan) et sa fille Bailey, figures magiques et lumineuses, transcendent la noirceur.
Dans l’univers destroy bien qu’ultra-stylisé d’Andrea Arnold, la caméra épaule ainsi que la bande-son géniale nous fait ressentir le tumulte, les défaillances et le sordide destin de ces adultes immatures, cruels et déraisonnables que les enfants observent avec stupeur.
Dommage que la réalisatrice ne se contente pas de cette veine ultra-réaliste où elle excelle et cherche par un pas de côté un envol (celui du titre) vers le fantastique avec un personnage (sorte d’ange des enfants ou d’oiseau-spectre vengeur interprété par Frank Rogowski) assez inutile et boursouflé.
Arnold n’en demeure pas moins la cinéaste puissante et punk des misfits de l’Angleterre qu’elle filme avec une énergie galvanisante et un amour sans jugement. Dans les calamités de vies lamentables et sur les décombres des enfances détruites, elle va chercher avec les pulsations de ses plans le souffle et la vitalité de l’amour.