Bird
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Bird

Film de Andrea Arnold (2024)

Andrea Arnold filme l’Angleterre des laissés-pour-compte, celle des quartiers populaires que le système a abandonné. Il y règne une violence sourde qui se nourrit d’une misère à la fois sociale et sentimentale. L’héroïne de son dernier film s’appelle Bailey, elle vivote dans un squat du Nord du Kent avec Bug, son père à peine trentenaire et sans ressource, et un demi-frère de deux ans son aîné qui joue au justicier masqué avec sa bande d’amis en allant tabasser des hommes qui maltraitent femmes et enfants.

Elle a douze ans, cherche sa place dans cet environnement brutal et pesant alors que la puberté vient lui rappeler qu’elle ne sera bientôt plus tout à fait une enfant. Butée, renfrognée, en rébellion contre son père, elle se rêve indépendante et aimerait rejoindre le gang de son frère.

Mais Bailey va croiser la route de Bird, un garçon étrange à la recherche de ses origines. Cette rencontre va la faire changer de perspective, s’ouvrir sur ce qu’elle est, sur qui elle devient, mais aussi sur ce et ceux qui l’entourent. L’adoucir un peu aussi peut-être…

Ce coming of age movie, Arnold le filme d’abord de manière heurtée, avec frénésie, abusant d’une caméra à l’épaule si instable qu’elle donne des maux de tête. On craint alors un recours aux tics du ciné indé les plus irritables, qui font passer la forme avant le fond tout en jouant la carte du misérabilisme. Mais au fur et à mesure qu’elle se recentre sur Bailey et sa fascination pour Bird, la réalisatrice relie les points de son récit. Elle apaise sa mise en scène à qui elle offre de superbes respirations, dans plans sophistiqués bourrés de poésie qui usent de jeux de miroir et de projection, traduisant la passion de la jeune fille pour l’image et sa grande sensibilité. Une sorte de mise en abîme du parti pris esthétique d’Arnold qui s’appuie sur une image 4:3 semblant s’être habillée d’un filtre Super 8, comme pour lui donner un rendu de film amateur. Loin de l’affadir, elle lui donne du cachet et une identité, agrémenté sur la fin d’une touche de fantastique. Surtout, elle lui apporte aussi un peu de légèreté grâce à une musique punk – rock libératrice (avec beaucoup de Blur période the Great Escape) .

Certes la métaphore filée sur les oiseaux n’est pas des plus subtiles, mais elle accompagne bien le cheminement de Bailey pour appréhender sa construction dans un environnement lourd et complexe à travers sa relation avec Bird. On s’attache à la jeune fille et à ceux qui l’entourent, bien plus qu’on ne l’imaginait au début du film, et ce n’est pas la moindre réussite de Andrea Arnold.

Car il émerge de tout ça un peu de lumière, un infime espoir, une certaine beauté dans la noirceur et l’étrangeté. L’histoire de Bailey nous serre sincèrement le cœur.

Créée

le 9 janv. 2025

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