Avec Bird, la cinéaste Andrea Arnold signe un film entre un réalisme social violent et un registre fantastique poétique, porté par des individus marginaux, que l'on pourrait résumer avec un vers de "Piano man" de Billy Joel : "They are sharing a drink they call loneliness, but it's better than drinking alone" (Ils boivent un verre de ce qu'ils appellent la solitude, mais c'est mieux que de boire tout seuls). L'animalité ambiante, violente ou cruelle, qui se retrouve dans les noms des personnages (Bird, Fred Lamb), leurs vêtements (t-shirt chien, tenue léopard rose de Bailey) ou leur environnement (oiseaux, chevaux, chien, crapaud), devient vite une animosité poétique portée par le personnage éponyme, jamais loin de l'imaginaire, mais toujours ancré dans le réel violent et masculin. Rythmée par une bande originale plutôt punk dans un habitat proche du squatt, le film se déroule sur quelques jours durant lesquels une jeune fille devient adolescente et cherche son identité après avoir appris que son père allait se remarier à la fin de la semaine, et rencontre une autre âme seule bien étrange, officiellement disparue, mais de retour dans sa ville natale et en quête de sa famille : Bird. La question de la réalité effective de cet ami n'est pas prioritaire, et le film est bien plus intéressant que cela en décrivant les troubles adolescents liés à la famille. Alors que Les Banshees d'Inisherin interrogeait cruellement l'amitié, ici ce sont les miens familiaux qui sont scrutés. Des hommes violents (avec une scène presque insupportable à regarder), des femmes impuissantes, et une spirale difficile à arrêter autrement que par le recours au fantastique, à la magie. Bird est une fable dans laquelle les animaux ne sont pas des hommes (quoique le crapaud ne soit productif qu'avec de la musique sincère, sorte d'aveu artistique de la cinéaste qui veut réaliser un film sincère), mais où les hommes sont des animaux (ou traités comme tels)
Inégal, avec une caméra un peu trop tremblante et une volonté de spectaculaire parfois trop prononcée, le film, un peu trop long par moments, décrit cependant avec force et férocité une réalité sociale certaine sur des marginaux qui tentent de vivre avec les miettes qu'on leur laisse espérer.