Blonde a tout du pétard mouillé. Sensation en festival, échec en « exploitation » (si le terme peut s'appliquer à Netflix), décrié par les critiques et en particulier les historiens et les Américains. Cependant le film était cité dans plusieurs des tops 2022, notamment pour sa réalisation et sa direction artistique. Ces commentaires positifs notaient bien sûr que le film romançait largement la vie de Marilyn Monroe. Je n'avais cependant clairement pas saisi la mesure de ce « largement », j'y reviendrai plus tard.
Sur le plan esthétique, le film généreux tant il propose de formats, de grain, de mode colorimétrique, de référence visuelle à des décennies de cinéma, de jeux de lumière et d'effets de caméras. Certains plans sont très beaux, d'autres assez inventifs. Pour accompagner la descente aux enfers de son personnage, le film se fait petit à petit plus brouillon et plus chaotique. Malheureusement l'impression que le film me laisse au global est plus celui d'une expérimentation stylistique sans logique ni cohérence narrative : si les plans sont beaux ils ne sont pas forcément signifiants dans un ensemble cohérent, ce qui finit par donner une forme de gratuité à la majorité d'entre eux.
Sur le plan scénaristique, la biche effarouchée Marylin est de tous les plans d'un film très linéaire qui manque quand même cruellement de subtilité, appuyant de manière lourde sur la l'objectivation et la victimisation d'une femme, la dépossédant de tout choix. Marilyn Monroe a effectivement été objectivée et exploitée, la femme cultivée qu'elle était a souvent été effacée par l'icône qu'elle est devenue, mais elle n'était pas entièrement irresponsable de ses choix de carrière. Tous les autres personnages sont relégués au second plan, isolant encore plus Marylin. Heureusement, point tout de même très positif du film, Ana De Armas investit complètement son personnage de manière impressionnante. Si elle n'a pas le magnétisme de son modèle, sa prestation sur un aussi long format est remarquable.
On ne peut passer outre la longueur qui devient petit à petit un véritable frein au film. La longueur et la répétition des scènes, le manque de progression ou d'issue, les effets visuels anecdotiques… tout ceci est amplifié par une durée qui ne se justifie pas. On ne peut éviter par ailleurs de parler des interminables et malaisantes scènes de fœtus qui parle, qui n'apporte au film qu'un parfum réactionnaire, bien que le réalisateur s'en défende. Car le film appuie encore plus la culpabilisation de Marilyn lors de ses avortements issus de « débauches » tout en insistant sur la fausse couche issue d'un mariage (comme une forme de punition ?), ou surjoue l'ignominie des hommes qui ont partagé sa vie.
Et voici alors pour ma part le coup fatal. Si le roman de Joyce Carol Oates dont est tiré le film stipule clairement d'entrée de jeu sa nature fictionnelle, Blonde entretient un certain flou. Pour ceux qui ne sont pas familiers de la vie de Marilyn Monroe, on réalise de manière après coup que de nombreuses scènes pivots du film sont en fait des rumeurs ou même de la pure invention. Le film relève alors de l'ambush marketing pour moi car il utilise l'icône de Marilyn Monroe comme simple coquille ou un vernis pour raconter une histoire qui ne lui appartient que vaguement. Blonde est alors une forme de prise d'otage que je goûte peu tant les scènes sont chocs et les propos clivants. Mais au vu de ces autres défauts si on retire l'icône du film il perd alors son dernier point d'intérêt.