Suis-je trop rationnel pour ce film ?
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Sa vie étant devenue un désastre, Jeanette fait comme tout le monde face aux responsabilités : elle fuit. De toute ses forces, elle part en courant, elle abandonne le monde qui l'a trahit pour tenter de rejoindre le monde qu'elle a méprisé. Malheureusement, elle ne se remet pas en question, et répète donc son histoire. Fin.
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Ce film contient ce que j'apprécie chez Woody Allen : la lucidité et la stabilité du scénario. Presque trop de stabilité d'ailleurs. Il sait où il veut nous emmener, et nous y emmène tranquillement, annonçant même la morale dès le début du film.
Le montage est malin, on alterne entre le présent et des analepses de plus en plus proches, pour tenter de conserver le suspens peut-être. Ou plutôt pour bien nous faire comprendre que le personnage principal ne réalise que très lentement ce qu'il se passe dans sa vie, n'a pas conscience de la portée des évènements et ne dispose pas de la capacité à prendre du recul. Ce qui est honnêtement fatiguant à observer quand on est le spectateur. On espère jusqu'à la moitié du film, puis on abandonne et on se laisse porter.
Il n'y a absolument aucun moment du film qui va nous surprendre : "les méchants arrivent au moment où tu t'y attends", comme disais Gad. Et en effet, le scénario suit scrupuleusement les standards hollywoodiens de présentation de personnages. Celui qui aurait pu incarner la porte de sortie de l'héroïne entre en scène beaucoup trop tôt pour que cela soit plausible, et tout ce qu'on s'attend à observer arrive en effet.
Idem pour la soeur, le rebondissement dans sa vie est téléphoné à des lustres. Rien de ce qu'elle dit nous surprendra, ce qui donne à toutes les scènes où elle apparaît un côté fade et ennuyeux.
Le dramatisme du scénario est aussi trop élevé, on est régulièrement dans l'exagération, c'est exaspérant.
Bien sûr, le premier mari de la soeur est violent, il casse des téléphones et des lampes. Car on ne peut pas appartenir au tiers-monde sans avoir le tempérament d'un gorille et la maturité d'un poulpe. Trait que partagent la majorité des personnages. Bien sur, le dentiste est un sociopathe incapable d'entendre ce qu'on lui dit, ce qui brise notre unique espoir pour un happy end avant le milieu du film — je vous avais dit qu'on abandonnait assez vite.
Et j'en passe.
Enfin, on retrouve cette tendance à "presque tout résoudre" scénaristiquement; le fils fuyard refait son apparition, le premier mari de la soeur repasse à la fin faire la morale (et sert aussi de squelette sorti du placard, alors que n'importe quelle connaissance de l'héroïne aurait fait l'affaire...), etc. Ce qui m'a fait penser à Intouchable, d'où le titre. En moins bien.
On peut tenter de se distraire en admirant les paysages et la haute couture, mais mieux vaux regarder un documentaire pour ça, ou un film expressément tourné vers la mode.
Dans l'ensemble, un film pas terrible. J'avais commencé par lui mettre 6, mais au fur et à mesure de l'écriture de cette critique ça a baissé jusqu'à 4 :-)