"Body Double" constitue sans doute (avec "Dressed to kill" et "Blow out") l'aboutissement d'une partie de la filmographie de Brian De Palma. De toutes ses relectures de l'œuvre du grand Alfred Hitchcock, il s'agit sans doute ici de la pièce maîtresse, tant elle mêle avec intelligence et virtuosité l'influence du Maître et les thèmes de palmiens récurrents. Le film s'ouvre dans un univers très cher à Brian : celui de la série Z, du niveau 0 du cinéma, dans les tréfonds les plus crasseux du septième art, pour se poursuivre ensuite dans les hauteurs vertigineuses d'une tour luxueuse où le protagoniste pourra s'adonner au voyeurisme ("Fenêtre sur cour" avec l'érotisme et le style de De Palma, il faut avouer que c'est bien jouissif) et se terminer dans les égouts cinématographiques, où se trouve la solution ... A la maîtrise formelle de la réalisation (encore une fois, on a le droit à un lot de scènes d'une pure virtuosité) s'ajoute une gestion magistrale de l'espace : étouffante et riche (les plans se contentent rarement de ne jouer sur qu'un seul niveau), elle intronise le film comme l'aboutissement incontestable du style visuel du réalisateur, prenant une dimension aussi importante que le récit lui-même (elle représente autant que lui, sinon plus, l'engrenage trompeur du récit). Évidemment, Hitchcock est omniprésent. Mais il serait bien bas de qualifier De Palma d'usurpateur : il prouve une fois de plus avec "Body Double" que la richesse cinématographique d'un auteur peut se perpétuer jusqu'à donner un nouveau style, certes une sorte d'hommage mais surtout un renouvellement. L'exploitation du potentiel infini d'une œuvre donne à son tour naissance à une œuvre qui possède sa propre richesse et sa propre identité. Et le moins que le puisse dire avec De Palma, c'est que son cinéma est passionnant et novateur. Et "Body Double", synthèse moderne de grands mythes cinématographiques, est l'un de ses chefs d'œuvre.