Le film commence par deux assassinats à la sortie de l’aéroport d’Ajaccio, puis nous suivons les pas d’une gardienne de prison récemment débarquée dans l’île avec son époux et ses deux enfants. L’intégration n’est pas facile, avec un voisinage résolument hostile au cours de la première scène de quartier, où leur chien disparaît après un échange d’insultes nourries où perce du racisme.
Dans la prison, M découvre un environnement ouvert du bloc 2, dans lequel les prisonniers circulent librement, une manière de faire « locale »,où elle retrouve un prisonnier qu’elle connaissait sur le « continent ». Le gars est jeune, plus gracile et souple d’esprit que ses congénères, et va servir de porte d’entrée sa matonne, comme il l’appelle.
Un rapport de séduction ambiguë se développe, alimenté d’un côté comme de l’autre, car les intentions de M nous échappent. Si nous pouvons croire qu’elle n’a d’autre choix que s’adapter à une situation dont elle est le jouet, cette opinion est mise à mal en cours de film, la jeune femme se révélant secrète dans ses intentions, même avec ses proches et ne laissant finalement jamais transparaître de faiblesse.
Cet aspect solitaire et mystérieux, bien joué, ne permet cependant pas au personnage de dépasser le service du récit, dont l’intérêt principal réside dans une description exemplaire et sans concessions d'une mécanique de faveurs et de contreparties en vigueur dans certains coins de Corse, une réalité connue de ses habitants, quand bien même une majorité n’y participe-t-elle pas.
Cette pratique couplée a celle de l'omerta peut s'accompagner d’une méfiance envers l’étranger pouvant virer à la xénophobie, dans un univers masculin viriliste.
Un contexte présenté ici sans détour, une véritable performance à l’échelle du cinéma français cherchant généralement à ménager les susceptibilités des adeptes de cet environnement qu’il est permis de juger toxique, qu’on soit soi-même Corse ou non.
Car si ce contexte n'est pas une généralité dans l'île, il n'est pas rare de croiser au cours de nos vies un(e) collègue ou un(e) ami(e) ayant vécu sur l’île des années racontant le rejet qu’elle subissait, ce genre de récit se retrouvant plus souvent au sujet de la Corse que dans bon nombre de nos régions hélas. Un constat empirique rejoignant celui présenté ici, mais qui n'enlève pas l'espoir d'une évolution positive, ni n’empêche de l’aimer, la chaleur de la majorité de ses habitants, sa beauté marmoréenne...tachées de tragédie.
Et iI est probable que la volonté de montrer cet état de fait ait influé sur la volonté des actrices et acteurs pour participer au film, qui prend le temps d’installer l’atmosphère. La mise en scène brille par son invisible présence, et particulièrement dans les scène d’univers carcéral. La durée ne s’étire jamais, jusqu’au bout, la résolution de l’intrigue dont j’ai tut le balancement principal, comptant moins que son cheminement.
Une belle prise de maquis sans complaisance.