Après avoir découvert ce chef d'oeuvre, j'ai eu la sensation tenace que Sunset Boulevard portait en lui un magnifique paradoxe. On ressort en effet du film plus que jamais transi d'amour pour le cinéma, alors que Wilder nous a dépeint durant deux heures tous les contours pervers du miroir aux alouettes hollywoodien. Un milieu cruel, hypocrite et superficiel qui s'est pourtant imposé en un siècle comme la matrice universelle des rêves éveillés.


Ainsi Sunset Boulevard prend une apparence étrange, baignée d'un joyeux cynisme, et en même temps sublimée par un souci esthétique de premier ordre, plutôt surprenant quand comme moi on maîtrise mal la filmo de Wilder. Je connaissais le Wilder au rythme comique affûté, je découvre un véritable cinéaste et auteur capable de développer un propos avec l'intelligence et la cohérence des plus grands. Son Sunset Boulevard est donc tour à tour "jaunement" drôle, triste à en crever, mélancolique, désabusé, mais au fond vibrant d'adoration pour le septième art.


Capable aussi de transmettre toute son affection pour Norma Desmond, monstre de folie et de vanité, titan féminin de cinégénie et légende intemporelle. Dans ce rôle en forme de pain bénit, Gloria Swanson donne la leçon avec un aplomb et une justesse tout bonnement sidérants. S'il y a bien une preuve que les Oscars ne valent pas grand chose, c'est bien elle, qui s'est faite damer le pion par Judy Holliday cette année-là dans la course à la statuette. Erich Von Stroheim, encore une fois bouleversant, en aurait bien mérité une lui aussi. Les révélations qui sont faites sur son personnage à mi-parcours pourraient paraître tirées par les cheveux, mais elles participent admirablement de la gigantesque et vertigineuse mise en abyme qui fait tout le sel de Sunset Boulevard.


Pour la "petite" histoire, Gloria Swanson a comme son personnage été une star du muet, tourné à plusieurs reprises pour Cecil B. DeMille et même pour Erich Von Stroheim, lui-même réalisateur vedette dans les années 1920 puis déchu par Hollywood après des échecs retentissants. La façon dont le film entremêle fiction et réalité lui donne ainsi une authenticité, une pertinence et un petit côté ludique dont il n'avait de toutes façons pas besoin pour prétendre au statut de pièce maitresse du septième art. Car à l'image de la scène finale d'une beauté incommensurable, à l'image du cinéma tout entier, Sunset Boulevard, oeuvre imparfaite mais limpide et ô combien aboutie, est voué à rester ancré dans l'imaginaire collectif.

magyalmar
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Top 111 films, Les meilleurs films des années 1950, Blu-Ray-thèque / Films, Vus en 2020 et Les meilleurs films de 1950

Créée

le 17 déc. 2016

Critique lue 407 fois

9 j'aime

magyalmar

Écrit par

Critique lue 407 fois

9

D'autres avis sur Boulevard du crépuscule

Boulevard du crépuscule
Docteur_Jivago
10

Le crépuscule Hollywoodien

C'est en 1950 que Billy Wilder met en scène Sunset Boulevard, nom tiré de la célèbre avenue de Los Angeles où l'on trouve les villas des stars hollywoodienne. Dès 1950, c'est pourtant un boulevard...

le 13 avr. 2014

70 j'aime

16

Boulevard du crépuscule
DjeeVanCleef
10

La voix de l'oubli

Juste pour dire... Le conte macabre de Billy Wilder exerce sur moi une fascination quasi masturbatoire. Il me tend, il m'habite, j'en suis tout secoué rien que d'y penser. Et quand je le vois, Dieu...

le 16 janv. 2017

59 j'aime

17

Boulevard du crépuscule
palouka
10

"Une femme pardonne tout, excepté qu'on ne veuille pas d'elle"

Joe Gillis, scénariste raté aux abois, atterrit chez Norma Desmond, alors qu'il est poursuivi par des créanciers. Lorsqu'il pénètre pour la première fois dans la demeure de celle-ci, il songe au...

le 6 août 2011

53 j'aime

5

Du même critique

L'Argent
magyalmar
1

Compte dormant

Sans doute fatigué de pondre des drames chiants pour neurasthéniques masochistes, Robert Bresson s'est surpassé afin de nous offrir son ultime chef d'oeuvre, une parabole de science-fiction sous...

le 26 mars 2018

31 j'aime

4

Les Désaxés
magyalmar
5

Huston, le monde Huston

Honnêtement, je pense qu'Arthur Miller aurait pu broder une merveille de scénario en se contentant de la dernière scène dans le désert du Nevada, où tout est dit. Après tout, un bon exemple vaut...

le 2 avr. 2016

23 j'aime

2

Le Guerrier silencieux - Valhalla Rising
magyalmar
1

Alors c'est ça l'enfer

Refn est un sacré déconneur. Le défi de départ était excitant : écrire un scénario en 5 minutes. Malheureusement Nicolas dut se rendre à l'évidence. Ecrire plus de deux pages en 5 minutes c'est pas...

le 4 janv. 2014

20 j'aime

1