Boulevard du crépuscule par Dodeo
Tout d'abord je me dois de dire que Boulevard du crépuscule (Sunset Boulevard) était mon tout premier film de Billy Wilder et que j'appréhendais donc assez le moment où je verrais un film du bonhomme. Surtout après toutes les louanges qu’on m’avait dites.
Ce qui m'a d'abord frappé c'est la justesse de la narration, que ce soit par la force de la voix off ou par les effets de montage et de coupe très précis. Le long-métrage bénéficie de ce fait d'une fluidité accrue et d'une cohérence globale qui parait consolidée. Il est aussi à préciser que cette narration faite par le personnage de Joe Gillis (William Holden) a quelque chose d'assez inédit pour l'époque. Je n'en dirais pas plus sous peine d'en dévoiler un peu trop de l'intrigue.
Billy Wilder met en place une certaine forme de réalisme que le réalisateur accentue par la présence de références à des films tel que Autant en emporte le vent, à des personnalités tel que le sont D. W. Griffith, Vilma Bánky, Betty Hutton et tant d'autres. C'est une volonté d'autant plus flagrante que le réalisateur américain utilise un certain nombre d'acteurs dans leur propre rôle afin de fonder cette famille du cinéma, ce cercle très fermé duquel fait partie ou du moins faisait partie Norma Desmond. On retiendra en particulier les apparitions de Buster Keaton, Anna Q. Nilsson ou encore H.B Warner.
Et c'est probablement avec ces armes là que Wilder tente de nous faire rentrer dans le cercle, le monde du cinéma qu'il ne décrira jamais comme majestueux, bien au contraire il procédera même à une certaine forme de démystification balançant quelques pics par ci par là. Mais bien heureusement le réalisateur américain ne fait pas de cette entreprise de démystification son objectif principal, il se vouera plutôt à la construction du personnage de Norma et de Joe. De leur vie, de leurs désirs.
Et le personnage de Norma bénéficie donc d’une bonne consistance. Norma, ce personnage presque enfantin dans sa caractérisation, qui n'a pas su franchir le palier du film parlant. Elle se réduit ainsi à des réactions compulsives, elle s'enferme dans ses propres désirs, littéralement bloquée dans une époque révolue, elle ne se confronte jamais à la réalité extérieure. Et si aujourd'hui et ce malgré son décalage, elle réussit à vivre c'est bel et bien grâce à Max, le vaillant domestique qui l'accompagne à chacun de ses pas, déplaçant les lampadaires pour la mettre à la lumière, enlève les serrures pour l'empêcher de s'enfermer sous le coup de la folie, la préservant de la mort par la désillusion.
Sunset boulevard c'est donc avant tout le parcours de cette femme qui passe de l'adulation à l'oubli, qui perd la raison par l'affliction de ses passions jusqu'à aboutir à un final majestueux de maîtrise, presque envoûtant. Sunset Boulevard c'est aussi Joe Gillis, cet homme qui pensant profiter d'une faille se retrouve littéralement coincé dans un monde tout autre que le sien. C'est donc aussi l'histoire de ces choix, son parcours tant sentimental que financier, ses déboires et joies impalpables.
Le film bénéficie également d'une très belle photographie noir et blanc qui a été par ailleurs nominée aux oscars mais aussi de très bonnes performances d'acteurs à commencer par Gloria Swanson tantôt envoûtante, tantôt effrayante, mais aussi William Holden et Erich von Stroheim. Il est aussi à préciser que les trois furent nominés à cette même cérémonie. La musique quant à elle est très belle et gagne en puissance par sa diversité, on retiendra en particulier le thème de Norma Desmond.
Sunset Boulevard est une grande œuvre et je ne pouvais rêver mieux comme approche du cinéma de Billy Wilder. Le film est maîtrisé dans tous ses compartiments et le revoir serait d’ores et déjà un plaisir.