C'est presque cocasse de voir que, déjà dans les années cinquante, Hollywood contemplait son passé avec nostalgie. Avec cette histoire d'antique gloire du muet recluse, attirant dans sa toile un scénariste aigri chargé de réécrire un scénario de film à sa mesure, Billy Wilder réalise un film qui explore les tréfonds de l'industrie du cinéma américain. Avec tendresse certes, mais non sans un regard amer sur son industrialisation sans âme broyant des destinées trop consentantes...
Si l'histoire, rondement menée, faisant appel à tout un spectre d'émotions (on passe littéralement du rire aux larmes) n'échappe pas à quelques facilités et une demi incongruité (le personnage de Max), il est surtout porté par un casting époustouflant, avec, bien au dessus de la mêlée, Gloria Swanson - elle même ancienne star du muet - dans le personnage de la créature Norma Desmond.
Car comment parler d'autre chose que de créature ? Ce spectre refusant de rester froid et immobile au tombeau, incapable pourtant d'échapper à sa lourde emprise... Le tombeau, c'est Hollywood ; elle, c'est une Narcisse qui a trop vécu, niant le temps qui passe, préférant se pâmer dans le visionnage de ses succès d'hier et des murs de portraits plutôt que d'accepter sa déchéance. Pour exprimer cela, Gloria Swanson parvient à associer une gestuelle et une expressivité du genre muet avec des répliques déclamées à l'accent théâtral, rehaussant le caractères déphasé de son personnage. Prodigieuse actrice.
Sunset Boulevard mérite véritablement le détour. Billy Wilder mène rondement son affaire et si la voix off à outrance - atavique au genre du film noir - m'a parfois empêché de rester immergé dans l'émotion d'un instant, la scène finale a une texture hypnotique qui marque durablement.