Pour une fois, je ne vais pas établir le synopsis du film car celui ci n’en est pas réellement doté. Boyhood, au delà de tout scenario, peut être considéré comme une tranche de vie qui se regarde avec empathie, un peu à la manière d’un documentaire sur la vie de famille. Pour autant, ce n’est pas une parodie de la réalité comme les piteux reportages de NRJ12 puisque Richard Linklater a porté ses efforts pendant 12 ans ! Et oui, il a fallu une décennie de tournage pour boucler ce projet de génie.

Le réalisateur a raconté lors de la promo son envie de réaliser un film sur l’enfance depuis longtemps mais le sujet est difficilement abordable. A raison, il a compris que le meilleur moyen était de faire cela sur plusieurs années avec les mêmes acteurs qui grandiraient, vieilliraient réellement au fil du tournage. Ainsi, une dynamique se crée qui nous permet de facilement se plonger dans le film grâce au non usage de postiches ou autres artifices de cinéma. Évidemment, c’est très risqué pour un réalisateur. Imaginez vous expliquer à votre producteur qu’il touchera les fruits de son investissement (ou pas !) dans douze ans… De plus, faire signer un contrat à des gamins est impossible. C’est donc une relation de confiance qui sous tend l’existence ou non d’un tel projet. Sans parler de la manière dont vont grandir les enfants, il existe une part importante d’imprévue.

Il y a de la suite dans les idées, d’accord. Mais qu’en est il du film ? On découvre la vie de Mason, de ses 6 ans à sa majorité c’est à dire depuis l’inconscience des premières années à la construction d’identité et la prise de responsabilités croissante qui mènent à la vie d’adulte. Le changement physique est parfaitement sensible à l’écran puisque le film a été réalisé en temps réel. Non seulement Boyhood est un regard sur l’enfance dans les années 2000, mais également la vie de famille et celle de tous les jours. Les parents divorcés, les amis, les déménagements, l’école, etc… Tout le monde s’y retrouve. La dimension humaine apparait dans ces événements que l’on a tous plus moins connus, petits ou grands avec les moments de joies, d’incertitudes, de colères ou de peines. Les personnages sont attachants et crédibles, l’absence de star (hormis Ethan Hawke) participe au fait que l’on se sent au plus près de la réalité.

Pour autant, Boyhood reste un film très "americano-américain". C’est la famille, la vie américaine dans un état comme le Texas où les repères ne sont pas forcement les mêmes qu’ailleurs: avoir une bagnole à 15 ans, fêter Thanksgiving, le modèle universitaire, le baseball, les armes (!), etc… Les éléments de la culture US sont bien présents comme le montrent les événements qui rythment le film pour l’ancrer dans la réalité. On parle de politique à travers Bush et Obama ou de la guerre en Irak. En outre, les évolutions technologiques sont bien présentes ce qui fera sans conteste réagir ceux qui ont grandi avec la télé et les jeux vidéo. La bande son utilise pas mal de morceaux dans différents styles, là encore c’est assez hétéroclite quoiqu’un peu plus rock (et tant mieux). La musique est intégrante du récit car le père de Mason est adepte de guitare, ce qui donne des moments très sympa lorsque Ethan Hawke pousse la chansonnette.

Je pointe également l’équilibre du temps consacré entre les différentes périodes de la vie de Mason. Une grande partie se concentre sur ses 15-18 ans, certes fondatrices d’identité, mais pas les plus intéressantes. Cela peut même sembler caricatural sur certains points en frôlant dangereusement avec le teen movie. OSEF des histoires de cœurs en chocolat. En même temps, il y a surement moins de chose à dire sur les âges antérieurs et des films comme Mud, Joe ou Moonrise Kingdom l’ont déjà très bien fait. Aussi, il n’y a pas de transition entre les années. Sur le coup, il arrive de se perdre. Un titre avec la date affichée régulièrement n’aurait pas été de trop puisque l’on raconte quand même une histoire qui se passe sur 12 ans !

Ambitieux dans sa conception, Boyhood traite avec simplicité et empathie de la faste période de l’enfance. Le sujet est narré avec honnêteté et dégage une lueur d’espoir, d’amour et d’eau fraiche dans l’esprit de chacun. En dépit de rester très cantonné dans la culture ainsi que la vie de famille américaine, le film conserve ses intentions très largement louables. C’est frais, enivrant et nostalgique à la fois… Vous prendrez bien une tranche de vie ?!
ZéroZéroCed
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le 28 juil. 2014

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