Le paysage est exquis, l’air transparent, la lumière d’une rare douceur, et les flammes de l’enfer menaçantes. C’est le pari de ce western : la beauté règne dans chaque image, l’horreur rôde dans chaque scène. Dans ce petit village du Dakota peuplé d’immigrés néerlandais, Liz (Dakota Fanning sidérante), la sage-femme muette, officie tranquillement. L’arrivée du Révérend, un austère prédicateur au visage balafré, jette une ombre. Il cite Matthieu : "Gardez-vous des faux prophètes. Ils viennent en vêtements de brebis, mais au-dedans, ce sont des loups ravisseurs." C’est la "Révélation"...
Trois autres chapitres, successivement intitulés "Exode", "Genèse" et "Rétribution", s’ensuivent, dans une chronologie bousculée. On apprend ainsi comment le révérend a été scarifié ; pourquoi Liz est devenue muette ; quelle malédiction poursuit cette femme, depuis toujours. Le western dérive dans le fantastique gothique, le sang du Christ faisant écho au sang des hommes. Bordels pittoresques fréquentés par des mineurs avinés, duels au Colt 45 dans la boue des rues, saloons enfumés où s’abreuvent des hommes sans passé, tout est filmé par Martin Koolhoven avec un lyrisme traversé d’élans sordides. Passent des multiple références, des plans d’horizon soulignés par une brume décorative, des scènes de putes brutalisées par des sauvages…
Tout au long de Brimstone, l’abîme se précise. Les flammes engloutissent des maisons, la nuit dévore les consciences, l’héroïne fuit encore et toujours. Le réalisateur s’inspire visiblement de La Nuit du chasseur et de Pale Rider. Ici, il s’empare d’un genre et le détourne avec panache, notamment grâce à son acteur principal, Guy Pearce, qui est pour le coup monumental. Curé du diable, sorte de Freddy Krueger en soutane, il est terrifiant. Il fouette, punit, torture, assassine et dit les mots de Dieu comme un taliban des enfers. Il sent le soufre (en anglais : brimstone), et c'est peu dire...
Il est donc question ici de vengeance et de damnation dans un récit complexe qui prête flan aux accès de violence montrés ici de manière aussi stylisée que frontale. Une œuvre passionnelle, foudroyante, qui donne à voir la rude condition de la femme, mais n'évite certes pas quelques excès grand-guignolesques. Il n'en reste pas moins que Brimstone, tout en ménageant un suspense de chaque instant, par un scénario malin qui réussit une percutante boucle temporelle, et en marquant durablement par la composition graphique et l'utilisation tranchée des couleurs, parvient à faire son effet : nous faire tout simplement frémir !!!