Whaou. Autant je m'attendais à un western singulier, autant j'étais loin d'imaginer ce qui m'attendait face à cet hallucinant « Brimstone », expérience de cinéma rarissime, qui plus est dans le paysage moderne. Ici, rien n'est conventionnel, surtout dans ce genre habituellement si codifié, voire balisé qu'est le western. Ça ne l'empêche pas de capitaliser sur d'indéniables qualités formelles : réalisation montrant avec force la violence du récit, très belle photographie, décors (notamment extérieurs) élégamment mis en valeur... Rien que pour ça, le film aurait eu un certain intérêt, mais c'est clairement son scénario et sa construction qui le font basculer dans une autre dimension.


Quand j'y repense, je trouve ça dingue. Dingue qu'un réalisateur aille aussi loin dans l'horreur, la perversité frôlant la gratuité mais pourtant toujours au service d'une histoire, de personnages où chacun a un rôle à jouer (dont un Kit Harington aussi convaincant qu'inattendu), multipliant l'impact que ces images peuvent avoir sur nous à travers cette crudité à la limite de l'insoutenable. Il y a toujours un propos à travers cela, l'inversion soudaine des « valeurs » à travers ce révérend


au-delà du Mal, figure quasi-fantastique dont on découvre les « origines » au fil des minutes.


Car une des autres très belles idées de l'œuvre est de proposer cette narration


en chapitres, nous faisant à chaque fois remonter un peu plus dans le passé de l'héroïne afin de comprendre comment celle-ci a pu se retrouver dans cette situation.


Une sorte de


« Memento »


(en beaucoup moins resserré et encore avec Guy Pearce!) de l'Ouest, offrant à coup sûr l'une des pires ordures que j'ai eu l'occasion de voir au cinéma (top 50 direct) : celui d'un


père, violent, incestueux, cruel, prêt à tout détruire sur son passage pour atteindre son but


(Pearce, donc, bon sans s'imposer comme une évidence pour le rôle). C'est clair (ou du moins le devient au fil des minutes), habile, cohérent, parfois vraiment original et incroyablement choquant (au bons sens du terme) dans la douleur, la terreur imposées à des innocentes, à l'image de cette belle héroïne incarnée avec sensibilité par Dakota Fanning.


En revanche, bien qu'assez audacieuse, il ne me paraissait pas nécessaire d'en


rajouter une dernière couche à travers cette fin déprimante (ayant au moins l'intelligence de garder une petite lueur d'espoir) : je crois que cette chère Joanna avait encaissé assez de coups pour plusieurs vies entières sans la condamner à mort...


Maintenant, voilà une sacrée claque envoyée par une production franco-néerlandaise (!!), faisant fi de la bienséance pour imposer un amour du cinéma (sous forte influence « La Nuit du chasseur ») et un « malaise salvateur » : de quoi raviver la flamme du septième art dont les amateurs sont si souvent privés depuis de nombreuses années. Éprouvant, marquant.

Caine78
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le 11 août 2020

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