Si on le connaît surtout pour avoir été le scénariste du biopic consacré au peintre néo-expressionniste Jean-Michel Basquiat, Lech Majewski est le réalisateur de onze films. « Bruegel, le moulin et la croix » est sans doute celui ayant connu la plus grande couverture médiatique. Ceci s’explique facilement : audacieux et fascinant pari que de construire un scénario à partir d’un tableau (« Le Portement de croix », 1564) et ainsi donner vie aux différents personnages présents, tout en rendant hommage à son auteur : Pieter Brueghel l’Ancien, considéré comme l’une des quatre grandes figures de la peinture flamande. L’auteur a la bonne idée de nous plonger littéralement dans le tableau, expérience d’autant plus enrichissante que visuellement, le spectacle est superbe.


L’amour de Majewski pour le peintre de la Renaissance transpire à chaque scène, nous offrant quelques belles séquences. La tâche n’était pas aisée, mais c’est aussi toute une époque qui prend vie devant nous. Une époque de pauvreté, mais surtout de douleur, à l’image de scènes d’une violence quasi-insoutenable lorsque les soldats espagnols agressent des villageois sans défense. On apprécie aussi de voir Bruegel incarné par l’excellent Rutger Hauer, devenu rare dans le cinéma autre que la série B, intervenir directement dans le récit. Il influence directement le cours de l’action et des évènements, en croisant des figures notables de l’époque, telles que le collectionneur d’art Nicholas Jonghelinck (Michael York, l’inoubliable acteur de « Cabaret », un peu perdu de vue depuis quelques années) en tête. Malgré ses qualités esthétiques et d’autres bonnes idées narratives, le film ne convainc pas pour autant.


Majewski a beau maîtriser l’œuvre du peintre et son temps, il semble moins à l’aise quand il s’agit de manier le langage cinématographique. Car si l’on excepte sa façon de filmer le moulin du titre, faisant de celui-ci une structure aussi belle que crépusculaire (certains plans sont saisissants), les enjeux narratifs manquent de portée et le rythme végétatif provoque des baisses constantes d’attention. Le manque de liant entre les différentes scènes et l’impossibilité de Majewski à leur insuffler un quelconque souffle s’avèrent fatales, la quasi-absence de dialogues asseyant un peu plus le mutisme d’une œuvre figée dans l’ennui et la lourdeur. Copier l’art pictural jusque dans le refus du mot nécessitait un talent contemplatif qu’on ne fait qu’entre-apercevoir, au grand désespoir d’une émotion qui ne surgit que rarement. Les amateurs de cinéma contemplatif devraient apprécier, les autres passeront hélas sans regret leur chemin.

Caine78
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le 4 avr. 2018

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