Une poursuite iconique et tellement plus

Je me souviens qu’enfant, ayant grandi entre la fin des années 70 et les années 80, j’éprouvais une véritable passion pour les voitures, comme beaucoup de petits garçons j’imagine. Courses, circuits improbables sis dans ma chambre, j’exaltais si au hasard d’une promenade avec mes parents, l’on croisait une belle italienne et il était hors de question de rater un épisode de séries cultes comme « Statsky et Hutch » ou « k2000 » entre autres. Très souvent lors d’une des poursuites automobiles qui jalonnaient les épisodes, ma mère me parlait de « Bullitt » et de sa poursuite iconique, puis plus tard ce film popait ça et là avec toujours cette fameuse poursuite considérée, à juste titre, comme l’une des plus abouties, des plus spectaculaires du cinéma.


Curieusement ce n’est que très récemment que j’ai vu ce film référence, alors effectivement la poursuite est d’une dinguerie et d’un avant-gardisme sidérant, mais limiter ce film à cette seule séquence me paraît a minima réducteur. En le voyant, je n’ai pas pu m’empêcher d’y voir une sorte de chaînon manquant entre le polar à la Humphrey BOGART pour simplifier et l’approche plus « réaliste » qui définira dans très peu de temps le cinéma dit du « nouvel Hollywood », je pense bien évidemment au chef d’œuvre de William FRIEDKIN, French Connection (1971), qui recèle également une course poursuite d’anthologie.


En effet si le scénario, soyons honnête, ne brille pas par son originalité, ni même que les archétypes des protagonistes, c’est en revanche dans la mise en scène, la réalisation, la photographie et le montage, que ce film déploie toutes ses qualités et en devient un objet d’analyse passionnant. A la fois ancré dans une forme de classicisme, notamment les scènes en intérieures et, encore une fois un certain avant-gardisme, comme si Peter YATES nous invitait à reconsidérer ce que devait être un film policier, conscient de son héritage et brûlant d’un désir presque charnel pour l’émancipation.


J’ai trouvé également que la caractérisation des personnages concourraient à ce mélange de points de vues. Que ce soit évidemment la performance de Steve McQUEEN tout à la fois figure iconique du flic à la mode du Hollywood historique et modèle ou plutôt esquisse de ce que deviendra bientôt cet incontournable du cinéma. Même les personnages féminins oscillent dans cet entre-deux qui loin d’apparaître comme le résultat d’une valse hésitation de la part du réalisateur, se révèle d’une rare maîtrise et d’une passionnante évocation, d’un témoignage quasiment documentaire d’un virage qui s’annonçait en filigrane dans le futur du cinéma.


Un dernier mot concernant la poursuite, on a beau savoir que c’est du cinéma et donc qu’il y a des trucages, des coupes, le concours de cascadeurs et une chorégraphie millimétrée, on reste bien plus impressionnés par ce que l’on voit à l’écran, que devant n’importe quelle poursuite moderne totalement WTF, trop sans doutes, marquant là pour moi la limite entre le spectaculaire et l’invraisemblance permise par les nouvelles techniques d’effets spéciaux.


Spectateur-Lambda
8

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le 1 août 2022

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