Lettre à Oliver,
Je suis né avec ton baiser. Je suis mort lorsque tu m’as quitté. J’ai vécu quelques semaines le temps de ton amour. Je t’ai haï lorsque tu ne m’offrais pas la reconnaissance que j’espérais. J’ai souffert avant de comprendre, j’ai souffert lorsque j’ai voulu que tu comprennes. Je t’aurais donné ma vie pendant que nos corps emmêlés transpiraient au rythme d’une valse nocturne secrète.
Aujourd’hui, je ne vis plus qu’à travers nos souvenirs que la neige vient glacer…dans un passé à jamais perdu. Mon esprit flotte au-dessus de mon corps fantomatique. Les paroles que je prononce se répercutent sur les murs et leurs échos portent ta voix. Tous les inconnus possèdent ton regard, tous les hommes et toutes les femmes me dégoûtent. Il n’y a que toi Oliver, partout dans le ciel, dans les fruits, sur les feuilles des arbres. Cette chemise qui retient ton odeur je la porte toutes les nuits, pendant que mes ongles griffent mon torse et que mes doigts arrachent mes cheveux dans l'espoir de ton retour. Pour que tu déposes sur mes lèvres mortes un seul baiser et que mes joues se teintent une dernière fois d’un rose léger. Quand te reverrai-je Oliver ? Tous les deux nous avons lutté si fort contre le chagrin et la douleur. Mais sais-tu que, même si mon corps, lui vit, mon esprit pourrit de ton absence. Quand reviendras-tu insuffler une nouvelle vague de vie en moi ? Quand nos corps se mêleront-ils aux draps frais de ces nuits d’été ?
Oliver, tu m’as offert la vie. Par toi j’ai ressenti toutes les sensations, j’ai goûté aux plus joyeuses émotions. Depuis toi, les notes de mon piano tourbillonnent dans ma tête et sont les seules à réanimer nos ombres effacées.
Oliver, je suis né avec ton baiser. Je suis mort lorsque tu m’as quitté. J’ai vécu quelques semaines le temps de ton amour.
Un premier amour tu ne seras pas. L’Amour tu seras.
Elio.
Elio, c'est un peu moi en garçon. Cette révélation et ces passions, nous les avons vécues de la même manière. J'aurais voulu être comprise comme il l'a été. Mais la vie en a décidé autrement. J'avais été émue avec Amore, avec Call Me By Your Name, j'ai été subjuguée, touchée au plus profond par la beauté de l'amour sculpté comme une fresque. La haine, la colère, l'obsession puis l'amour inconscient, la passion, le bonheur, la tristesse et enfin la douleur. Qu'il est agréable qu'Elio ne se tourmente pas avec ces questions d'identité qui deviennent bien trop souvent le sujet principal d'un film sur l'amour homosexuel. Guadagnino l'a compris. Sa caméra nous berce dans un univers intemporel sublimé par une musique toujours extrêmement bien choisie, là quand il faut, et non pour nous dicter les émotions que nous devons ressentir. Il nous sème, comme des pétales de ces fleurs d'été, sur le chemin amoureux d'Elio. Jusqu'au dernier plan magistral, Call Me By Your Name est un chef d'oeuvre sur l'éclosion de l'amour et d'un homme.
Et alors que mon corps a quitté la salle obscure depuis bien longtemps, mon esprit lui, reste abasourdi, bouleversé, émerveillé et enveloppé dans ce tourbillon de délicate poésie.