La légèreté d’un été en Italie, la force d’un premier amour, la confusion de sentiments irrépressibles, tout dans Call Me By Your Name sonne comme une douce et terrassante évidence.
Luca Guadanino installe son récit dans une campagne italienne qui séduit et enivre immédiatement et présente la famille d’Elio, érudite et polyglotte comme prête à succomber à toute provocation sensualiste. Sa mise en scène chaude et naturaliste, habillée de quelques charmeuses notes de piano, crée d’emblée une ambiance singulière et unique. Les couleurs, les odeurs, la lumière, les sons et les silences, tout est retranscrit avec une justesse confondante. Une sorte de langueur bienveillante qui va être progressivement balayée par la présence d’Oliver. Son arrivée et l’inverse d’une déflagration, elle va lentement, délicatement incarner le conflit entre le corps et l’esprit, la raison et les sens. Le rapprochement entre Elio et Oliver en est la manifestation la plus éloquente, mais elle va impacter l’ensemble des personnages qui les entourent (un bouleversant monologue paternel vous laissera les yeux brumeux). Toujours appuyée par des dialogues littéraires très inspirés et éclairant sur chacun des protagonistes, la réalisation de Guadanino n’en est pour autant jamais poseuse, en rien prétentieuse. Sa caméra comprend tout de ses personnages, saisit les instants, les regards qu’échangent Elio et Oliver, les postures et les contrariétés, faisant dériver son histoire vers des sommets de sensualité. Cela pourrait être provoquant, c’est évident. Le désir, l’éveil des sens, l’exploration de sa bisexualité pour Elio, la honte passagère, la plénitude d’un instant de bonheur même furtif, tout est amené avec une finesse et une subtilité assez rare jusqu’à un générique de fin qui vous serre la gorge quand il ne vous tire pas les larmes. Car le contexte social de l’époque, s’il n’est pas explicitement évoqué, est toujours présent. Le poids du silence, la peur de sortir de la norme, la certitude que cet été ne peut être qu’une parenthèse enchantée, ces éléments ne sont jamais assénés mais induits et constituants de la relation entre les deux garçons.
Si l’on devait trouver une dernière qualité à Call Me By Your Name, comment ignorer l’excellence de son interprétation, des parents d’Elio (formidable Amira Cassar, touchant Michael Stuhlbarg), à la petite amie délaissée (Esther Garrel) en passant par l’ « objet de son affection », Oliver, à qui le charisme d’Armie Hammer apporte un irrésistible pouvoir de séduction un brin désinvolte. Mais c’est bien Timothé Chalamet qui crève l’écran. Quelle révélation, quel acteur. Il se dégage de son Elio quelque chose de rare. Tour à tour lumineux, capricieux, jaloux, impatient, fiévreux, indécis, séduisant. Amoureux, tout simplement. Son interprétation (ce plan final… désarmant) est d’une richesse et d’une justesse fascinante.
Call Me By Your name, sans jamais être ostentatoire, raconte cet apprentissage de la vie, ce rite de passage, ce souvenir à la fois délicieux et douloureux. Avec légèreté tout d’abord, jusqu’à ce qu’il vous entraîne sur des territoires plus complexes et des émotions qui vous arrachent le cœur. Si l’on est saisi à ce point, c’est que ce qui rapproche Elio et Oliver cet été-là a une portée universelle. Celle de l’amour. Juste d’un amour.
Magnifique.