Ce qu'il y a de troublant avec les films de Bruno Dumont c'est qu'on ne sait jamais l'intention derrière son choix de faire jouer des amateurs. Parfois on en vient même à douter si ses intentions sont honorables. En effet il est impossible de ne pas parfois ressentir le sentiment que ces fous sont affichés et presque ridiculisés. Il est forcé de rire de leurs bruits et manies. Et ce sentiment honteux semble volontairement provoqué par le réalisateur... Si cela avait fonctionné dans P'tit Quinquin (quoique, me direz-vous, en vue des objections de la part du peuple picard), ici c'est tout bonnement nul.
Et ne me dites pas que Dumont trouve un plaisir réel à diriger des quidam au jeu si pitoyable (les bonnes sœurs, qu'un amas de carpes aurait parfaitement pu remplacer).
Je ne vous croirais pas.
Mais ce qui est sûr c'est que Bruno Dumont a une maîtrise absolue de sa caméra. Toujours élégante, discrète, juste et bien placée, sa puissance est indéniable.
Dommage que ce qu'il décide de filmer soit aussi inintéressant et terriblement figé.
Un conseil, pour ceux qui décideraient de regarder ce film, n'y allez pas, comme je l'ai fait, sans rien savoir des frère et sœur Camille et Paul Claudel. Sinon, vous serez largués.
Certes il n'y a pas grand chose à comprendre, vu que plus des deux tiers du film sont silencieux ou remplis de rires ou de cris d'aliénés.
Du point de vue du spectateur, on ne s'ennuie pas forcément (le forcément reste néanmoins important dans ma phrase). Telle Camille, on attend impatiemment qu'il se passe quelque chose. On reste en haleine grâce à cette attente, bénéfique. Surement Dumont a-t'il appliqué la théorie cinématographique du "si le spectateur se fait chier c'est pour ressentir l'ennui de Claudel". Cet argument est mort-né.
Mais bon, passe.
Et lorsque l'arrivée de Paul Claudel s'envisage être un soulagement, elle ne fait au final que nous enterrer un peu plus. L'acteur, sorte de Luchini du pauvre, même s'il semble habité, apporte avec lui ses élucubrations mystiques insupportablement capilotractées. Celles de Claudel en personne.
Or, ce qui était destiné à rester sur le papier selon Claudel est ici transposé directement dans le discours réel.
C'en est trop.
A ce bavardage existentiel abominable on préférait le silence de Juliette Binoche, bonne, comme d'habitude, mais loin de réaliser ici son pus grand rôle, comme beaucoup ont décrété, et les bruits de l'asile qui au moins permettait quelques scènes belles et touchantes (relation avec la folle qui prend Claudel en amitié, tentative de mise en scène de Don Juan, balade dans la rocaille de Provence...).