La dernière fois, j'étais fin jeunot, et je ne m'en souvenais plus. Grave erreur. Il y a deux trois effets qui ont beaucoup souffert du passage du temps, en particulier la voix de Candyman, qui a pris une claque. Le réalisateur Bernard Rose reste pourtant furieusement fin années 80 dans ce film, sans pour autant sentir trop fort le suranné. Qu'importe. Là, ce n'est pas juste un film d'horreur. Candyman est très efficace, c'est peu dire, dans ce registre. Il interroge l'espace intime, et le lien des beaux quartiers avec leur négatif pauvre, et dans un contexte bien américain, le lien des populations aisées avec les populations noires défavorisées. Candyman est comme une sorte de plongée dans un univers négatif de celui l'héroïne (Virginia Madsen, excellente dans ce rôle...) qui n'en finit pas de se superposer en couches et en sous-couches.
On va toujours un peu plus loin dans son horreur à elle, et on arrive peu à peu à cette forme étrange de matérialisation, via le personnage noir et vengeur de Candyman, à cet absolu délirant et effrayé des blancs qui pérorent à demi-mot, disent leur peur irrationnelle des « les Noirs » aux Etats-Unis (ou « les Arabes » en France). Candyman est le personnage fantasmatique qui terrorisa un Bush père, mais Candyman est aussi ce personnage fantasmatique qui semble animer négativement nos Besson ou Hortefeux et leurs clones effarouchés ces dernières années en France.
Candyman est la tradition orale, le personnage légendaire qui hante l'imaginaire des laissés pour compte. Le quartier de Cabrini Green dans ce film, ce sont tous les quartiers déshérités et méprisés du monde occidental. La hantise n'est pas la privilège des riches. C'est le sentiment que ça m'a laissé, un véritable malaise de société, loin des préoccupations égocentriques des petits bourges de Paranormal Activity, par exemple, qui ont la chance d'avoir un démon privé pour eux tout seuls, à domicile, afin de meubler la froideur de leur maison chirurgicale. La pauvreté, la frustration d'un lumpen prolétariat né des frustrations violentes distillées par la société néo-libérale, et la violence évidente que cette condition entraîne, ça m'évoque ça, Candyman. Je ne sais pas si c'est moi qui délire complètement, et ce n'est pas impossible, mais je trouve dans Candyman cent fois plus qu'un simple film d'horreur en plus d'un bon film d'horreur.
Et la musique de Phillip Glass est bien chouette, en osmose, en particulier le thème de Cabrini Green...