Autant le dire tout de suite Canicule est un film amoral et immoral, une sorte d’ovni dans le cinéma français des années 80 (hormis les films de Blier qui navigue lui aussi parfois dans les mêmes eaux « troubles »).
On y côtoie des personnages déjantés et outranciers, vulgaires et sans aucune éthique (le seul qui semble avoir un poil d’humanité est le gangster en fuite, perdu dans ces champs sans fin de la Beauce) !
Car le point de départ du film est un braquage qui tourne mal avec l’un des gangsters (interprété par Lee Marvin) qui prend la fuite, blessé. Et qui va se retrouver « pris au piège » dans un environnement (une grande ferme) de détraqués en tout genre !
Dans cette ferme, et dans le film en général, Boisset décrit de manière moins caricaturale qu’on veut bien le dire mais sans la moindre pudeur, l’être humain dans ce qu’il a de plus vil, ses penchants et ses instincts les plus pervers (sadisme, bestialité sexuelle, avidité, pulsions …), prêt à tout pour satisfaire tous ses besoins… ; à faire passer le gangster braqueur pour le plus « normal » de tous.
Boisset filme sans concession une certaine France, beauf et bête, avec un côté trash et absurde.
Canicule multiplie les scènes « choquantes », qui arrivent sans prévenir et qui remuent le spectateur, le mettent mal à l’aise. Ensuite on adhère ou pas.
On se croirait dans un certain cinéma américain « underground » et irrévérencieux où tout est permis.
Il y a des similitudes avec Dupont Lajoie, l’autre grand film d’Yves Boisset, dans la brochette de personnages de beaufs tordus mais on a l’impression ici qu’il n’y a aucun message à faire passer, juste montrer la bêtise (Boisset se plait à montrer les facettes les plus abjectes de l’humain, dans Dupont Lajoie déjà mais également dans Le prix du danger…) car autant Dupont Lajoie dénonçait le racisme, là Boisset montre la connerie humaine avec l’impression que c’est à nous de nous débrouiller avec ces scènes qui dérangent. A prendre ou à laisser. Pas d’autre alternative possible.
Canicule est également l’occasion de voir d’excellents acteurs incarnant une belle brochette de personnages qu’on peut aisément qualifier d’ordures !
On retrouve d’ailleurs les acteurs fétiches de Boisset que sont Carmet et Lanoux, fabuleux dans ces rôles de salauds, de lâches ou de pov’types, de même que Bernadette Lafont dans un rôle taillé sur mesure pour elle.
Quelques scènes cultes que ceux qui ont vus le film n’oublieront pas, notamment la scène finale, mais là je peux rien dévoiler !
Un film dérangeant mais un film à voir (encore que ce n’est pas le genre de film diffusé sur TF1 à 20h50) même s’il peut mettre mal à l’aise car en général le spectateur n’aime qu’on lui renvoie en pleine face les pires instincts chez l’humain.
Et ceux qui seront choqués diront bien sûr que tout ça n’est que caricature. Mais ce serait une conclusion bien trop simpliste car ce que montre Boisset est non seulement possible mais existe.