Pourquoi peut-on aimer Cannibal Holocaust?
Cannibal Holocaust, c'est un film affreux : la preuve il y a des animaux qui meurent (argument classique des gens qui ne l'ont pas vu et estiment que cette info est suffisante pour qu'ils puissent cracher dessus quand même...)
Mais bon, de nombreux animaux sont morts vraiment dans plein d'autres films (en fait tous les films de cannibales italiens de cette époque!), dont des films majeurs : qui oserait se plaindre d'Apocalypse Now pour son boeuf à la colonne vertébrale tranchée? (Et puis bon ça arrive souvent de voir un film ou durant le tournage personne n'a mangé de la viande?)
Cannibal Holocaust est aussi un film moderne, débarrassé des oripeaux des aventures exotiques avec une idéologie bon marché des années 30 (Coucou Steven!) Deodato renoue avec le cynisme du western italien en nous présentant quatre aventuriers sans scrupules, prêts à tout pour filmer des images chocs. Le processus d'identification à ces "héros" devient de plus en plus difficile et j'en suis venu à avoir de plus en plus de sympathie pour les soi-disant méchants annoncés. Les indigènes ne sont par contre pas présentés comme des "sauvages", mais comme des gens possédant une autre culture, plus adaptée à leurs conditions de vie (ici l'enfer vert).
Malheureusement certaines doxas affirment qu'il existe une césure entre le cinéma "d'auteur" et le cinéma "populaire" qui ne servirait qu'à abrutir les masses (quel profond respect pour celles-ci!) Dans le genre du cinéma d'horreur rares sont ceux à qui on a reconnu qu'ils voulaient adresser un message. Ici Deodato a fait une belle satire du monde audiovisuel : au début on se dit "oh les pauvres journalistes qui n'ont fait que leur travail!" et le scénario habile permet progressivement de retourner les valeurs du spectateur.
Cannibal holocaust, c'est aussi une esthétique remarquable. Même en "found footage" les mouvements de caméra restent lisibles et attrayants. La forêt amazonienne n'a jamais été aussi belle que sous la lumière froide de Sergio d'Offizi. La musique de Riz Ortolani est un monument, qu'elle soit magnifiquement doucereuse ou terriblement angoissante : elle sublime chaque scène.