Étrange film que ce Fonzo, rebaptisé Capone pour le rendre plus accrocheur auprès du public. Sur le papier, le projet de Josh Trank s'inscrit dans une logique précédemment à l'œuvre sur des films tels que Cartel, Cogan ou The Irishman. Il s'agit de désacraliser la figure du gangster, exploser les coutures du biopic étincelant pour livrer une peinture sale et pathétique, sûrement plus en phase avec une réalité qu'on a tôt fait d'occulter au profit d'une légende plus vendeuse. Le titre original était bien plus parlant : on pénètre ici l'intimité du personnage, dans tout ce qu'elle peut représenter de repoussante et misérable. Nulle gloire à trouver dans la décrépitude d'un homme lentement dévoré par la maladie.
La note d'intention est claire. En fixant l'attention sur sa dernière année, Capone montre le célèbre criminel surnommé "Scarface" comme un animal blessé en cage. Une cage dorée certes (sa résidence luxueuse) mais dont la fonction ne trompe personne. Il erre au milieu de ces statues froides, de ces couloirs interminables. Jusqu'à ce que la géographie de cette maison fantôme épouse les recoins de sa mémoire labyrinthique, dans laquelle il s'égare en abrogeant à chaque virage les frontières avec le réel.
C'est une plongée déstabilisante, parfois absurde parfois désagréable. Aussi intéressante que soit l'approche adoptée par Tranks, elle se heurte à une limite toute simple : son histoire, finalement réduite au strict minimum. Ce qui a pour conséquence, une fois le dispositif et les intentions comprises (rapidement donc) de donner la sensation de trainer péniblement en longueur. Dans cette entreprise de démystification, la prestation de Tom Hardy, tout en grognements et yeux révulsés, peut aléatoirement toucher ou manquer. L'idée de mise en scène consistant à regarder le condamné se perdre dans les souvenirs et hallucinations aurait peut-être dû être transposé sur la totalité du métrage, puisque ce sont les moments les plus forts de Capone. L'idée de juxtaposer légende médiatique (radiophonique en l'occurrence) aux tristes réalités est également une très belle idée de mise en scène.
Hélas, ces instants de grâce n'empêchent pas le film de rester cantonner aux vastes divagations d'un mourant, à l'inverse d'un récit mieux construit autour de ces souvenirs et de leur poids sur la conscience fragilisée de l'homme.